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Syndrome de loges aigue et chronique du membre supérieur

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Les syndromes de loges (Compartemental Syndrom pour les anglo-saxons) regroupent plusieurs tableaux dont le point commun est l’augmentation de la pression à l’intérieur d’un compartiment fermé perturbant la fonction et la viabilité des tissus contenus dans ce compartiment.

Qu’est-ce qu’un syndrome de loges ?


L’augmentation de la pression intramusculaire est au cœur de la physiopathologie du syndrome de loges. Deux mécanismes d’élévation de la pression sont individualisables :

  • La diminution du contenant induit une diminution du volume de la loge musculaire et correspond essentiellement aux bandages et aux plâtres trop serrés ou aux compressions prolongées.
  • L’augmentation du contenu correspondent à l’œdème lié à l’ischémie ou à un hématome.

 

Le syndrome de loge aigu correspond aux symptômes aiguës accompagnant l’augmentation pathologique brutale de la pression intra-musculaire. Le mécanisme du syndrome aigu de loge associe dans un cercle vicieux et auto-entretenu la baisse de la vascularisation tissulaire et l’augmentation de la pression intra-musculaire. A partir de 30mm de mercure le flux tissulaire peut être totalement interrompu. La souffrance musculaire secondaire entraîne elle-même un œdème accentuant l’ischémie. L’ischémie évoluant, les muscles se nécrosent, conduisant parfois à la rhabdomyolyse, à l’infection et à l’hyperkaliémie. Ces complications peuvent entraîner la perte du membre et, non traitées, la mort. L’hypotension ou l’insuffisance artérielle peuvent compromettre la perfusion tissulaire même lorsque la pression de la loge est modérément élevée, créant ou aggravant ainsi le syndrome des loges. Des rétractions peuvent se développer après cicatrisation du tissu nécrotique.

Les causes fréquentes de syndrome des loges comprennent les fractures, les contusions ou blessures d’écrasement sévères, les lésions de reperfusion après une réparation vasculaire. Les causes rares comprennent les morsures de serpent, les brûlures, l’effort physique intense, les overdoses de drogues (héroïne ou cocaïne), les plâtres, les autres contentions rigides et les autres dispositifs circonférentiels rigides qui gênent l’expansion de l’œdème et ainsi augmentent la pression compartimentale. Une pression prolongée sur un muscle pendant un coma peut provoquer une rhabdomyolyse.

 

Le syndrome de Volkmann est la manifestation ultime et tardive de séquelles ischémiques entraînant une rétraction définitive des muscles de l’avant-bras. Dans le cadre des séquelles d’un syndrome de loge aigue, les lésions tissulaires intéressent principalement les muscles et les nerfs. Les lésions musculaires prédominent dans la partie médiane du corps musculaire, près du squelette en particulier sur les fléchisseurs profonds des doigts.
Les fibres nerveuses de gros calibre sont atteintes avant celle de petit calibre car leur taille les rend plus sensible à la compression et pénalise la nutrition. Les lésions des troncs nerveux passant par les logés abîmées sont parallèles à la gravité des lésions musculaires.

 

Le syndrome de loge chronique correspond aux manifestations temporaires réversibles liées à l’augmentation de la pression intramusculaire. Le syndrome chronique de loge survient essentiellement chez le sportif et particulièrement lors de la pratique de la moto et de la planche à voile. Le muscle accroît son volume de près de 30% durant l’effort physiologique entraînant un conflit contenu-contenant chez certains sujets et l’absence de phase de récupération et de relâchement musculaire au cours d’exercices intensifs est déterminant. Il n’y pas la notion d’un traumatisme initial et la symptomatologie cesse à l’arrêt définitif de l’activité. C’est la configuration anatomique personnelle qui est responsable du trouble.

Quels sont les symptômes d’un syndrome de loges ?


  • Dans le cas d’un syndrome aiguë de loge l’examen clinique doit être précoce et rigoureux :
    • La douleur est le symptôme au premier plan, siégeant au niveau de la loge lésée sous forme de tension et de crampe, très intense voire extrême par rapport au mécanisme causal, résistant aux antalgiques et aux changements de position. La douleur est augmentée par la surélévation du membre à la différence de celle liée à l’œdème post-traumatique. La douleur est exacerbée par l’extension passive du poignet et des doigts. Mais la douleur peut être absente chez un sujet anesthésié ou dans le coma.
    • Le déficit de sensibilité dans le territoire du nerf passant par la loge souffrante est un signe précoce et fiable voire quantifiable.
    • La palpation de la loge montre qu’elle est tendue ; les muscles ont perdu leur force.
    • Un déficit moteur est un signe supplémentaire tardif comme la disparition des pouls distaux qui sont des signes d’ischémie qu’il ne faut attendre car initialement la plupart des étiologies des syndromes de loge ne modifient pas les pouls périphériques.
    • L’interrogatoire est fondamental pour rechercher une cause contextuelle favorisante et en particulier les traumatismes des membres fermés, immobilisés par plâtre ou pansement compressif, les interventions pour ostéosynthèse à foyer fermé, les injections de toxiques, les troubles de l’hémostase, les efforts musculaires inhabituels, les compressions prolongées en état d’inconscience.
    • L’aspect clinique d’un syndrome de loge aiguë à la phase séquellaire en l’absence de traitement est lié à la nécrose musculaire. La fibrose se présente sous forme de cordons durs qui se rétractent et entraînent les articulations en flessum jusqu’à l’ankylose en flexion. L’attitude typique est en flexion-pronation du coude, poignet en flexion, IP en flexion, pouce adductus et fléchi dans la paume, tout mouvement actif étant impossible ou très faible, car les muscles les plus atteints sont rétractés et totalement inefficaces. Les lésions nerveuses prédominent sur le nerf médian et le nerf cubital, de type paralytique et à terme la main est insensible.
  • Dans le cadre du syndrome de loge chronique les signes cliniques se limitent à une claudication musculaire d’effort intermittente.
    • La douleur survient donc spécifiquement à l’effort s’accroissant progressivement et nécessite l’arrêt de l’exercice. Elle disparait en quelques minutes et permet la reprise de l’exercice physique mais elle survient à nouveau si les conditions de l’exercice sont maintenues. Elle entraîne donc à terme une baisse des performances sportives.

Quels sont les examens complémentaires utiles ?


La mesure de pression intramusculaire est l’examen essentiel. Elle est nécessaire en cas de doute mais on ne doit pas l’attendre en cas de certitude. Le point de ponction est centré sur le corps musculaire. 

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A l’avant-bras la mesure se fait à la jonction tiers moyen-tiers supérieur, en superficie dans le flexor carpi ulnaris et en profondeur en arrière du cubitus. Une pression de 50 mm de mercure apparaît comme une pression à ne jamais dépasser et la valeur seuil raisonnable semble être plutôt autour de 30 mm de mercure compte tenu de la gravité potentielle des lésions.

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Le doppler ou l’arteriographie peuvent se discuter en cas d’abolition des pouls distaux pour éliminer une ischémie aiguë par interruption vasculaire.

L’electromyogramme (EMG) est souvent demandé. Il a pour objectif d’éliminer une cause nerveuse associée mais il n’a pas d’utilité dans l’affirmation de cette pathologie puisqu’il ne s’agit pas d’une pathologie nerveuse directe.

Quel est le traitement d’un syndrome de loges ?


Le traitement du syndrome de loge aigu

  • Avant tout supprimer l’élément compressif, c’est à dire plâtre ou pansement.
  • L’aponévrotomie et l’ouverture des périmysiums est l’étape suivante. A l’avant-bras la voie d’abord sinueuse antérieure décrite par Tsuge permet d’ouvrir la loge antérieure superficielle et profonde. Le diagnostic est facilement confirmé lorsque les masses musculaires jaillissent à travers l’incision. Il est préférable d’ouvrir les deux loges et l’ouverture du compartiment externe est rarement nécessaire. A la main, les muscles interosseux palmaires et dorsaux et les thénariens sont libérés par des incisions rectilignes centrées. Les doigts sont libérés par une incision bilatérale. Le rapprochement cutané immédiat est formellement contre-indiqué pour éviter toute récidive.
  • Le parage musculaire ne doit jamais être réalisé en urgence car l’absence de saignement te l’aspect sont de mauvais éléments d’appréciation ; les capacités de régénération sont très importantes. En cas de surinfection locale, l’excision doit être très prudente, à la curette pour proteger nerfs et vaisseaux.
  • La fermeture cutanée ultérieure ne doit pas être envisagée avant le 5-6e jour par décollement cutané prudent et/ou greffe de peau mince.
  • La prévention des raideurs articulaires repose sur la rééducation immédiate.

 

Le traitement du syndrome de loge chronique

  • Le principe de la décompression est techniquement strictement identique. Il est souhaitable de ne pas ouvrir le canal carpien pour ne pas affaiblir la force de serrage de ces sportifs.
  • Certains ont pu proposer l’ouverture exclusive de la loge superficielle, par endoscopie pour diminuer la cicatrice ; dans ce cas il n’y a pas d’ouverture des autres loges et donc un risque de résultat incomplet.

 

Le traitement du syndrome de Volkmann

Il n’est pas univoque en raison des différents types de lésions possibles. A tous les stades la réeducation et les attelles dynamiques ont un rôle majeur.

  • l’allongement par ténotomie intra-musculaire permet de gagner de 3 à 5cm. Cette technique s’adresse aux muscles encore vivants et peu rétractés.
  • L’intervention de Page-Scaglietti-Gosset consiste à désinserer l’ensemble des muscles fléchisseurs et à les faire glisser distalement où ils se réinsereront. Cette intervention s’adresse aux muscles encore vivants et très rétractés.
  • Le transfert des tendons fléchisseurs profonds sur le corps musculaire des fléchisseurs superficiels permet de régler simultanément la rétraction des fléchisseurs et d’obtenir une flexion active.
  • Le transfert des extensor carpi radialis longus ECRL et brachio radialis BR sur les fléchisseurs des doigts et du pouce sont les transferts les plus fréquents.
  • Les transferts musculaires libres micro-anastomosés permettent d’utiliser un muscle trophique éventuellement associé à sa couverture cutanée.
  • Le traitement des lésions nerveuses comprend la neurolyse, indiquée dans les compressions par la fibrose musculaire voire les greffes nerveuses.
  • Le traitement de l’enraidissement et des rétractions articulaires se fait à la demande.

Quel est le pronostic ?


Les résultats du traitement du syndrome de loge aigu sont assez médiocres en raison essentiellement du retard fréquent dans le diagnostic et la mise en route du traitement. (70% de bons résultats pour un traitement avant la 12e heure contre moins de 10% après ce délai et moins de 30% de patients sans séquelles). L’indication d’aponévrotomie reste cependant posée jusqu’au moins la 48e heure.

Le résultat du traitement du syndrome de Volkmann dépend évidemment de la gravité des lésions. Le principe est de rendre une main utile, c’est à dire sensible et si possible mobile. La sensibilité repose sur le traitement des lésions nerveuses. La mobilité nécessite de libérer les articulations de leur raideur et supprimer la rétraction tendino-musculaire avant de transférer éventuellement des muscles actifs. Le résultat de ces transferts ne permet pas d’espérer mieux que 20 à 30% de la force de poigne du côté opposé.

Références


  • Guillodo Y, Raut Y. Syndrome de loge chronique de l’avant-bras. J Trauma Sport, 1994, 11, 166-170.
  • Kouvalchouk JF, Watin-Augouard L, Dufour O, et al.  Le syndrome d’effort chronique des loges antérieures de l’avant-bras. Rev Chir Orthop, 1993, 79, 351-356.
  • Mabee JR, Bostwick TL. Pathophysiology and mechanisms of compartment syndrome. Orthop Rev, 1993, 22, 175-181.
  • Naidu SH, Heppenstall RB. Compartment syndrome of the forearm and hand. Hand Clin, 1994, 10, 13-27.
  • Seiler JS, Womack S, De l’Aune WR, et al. Intracompartmental pressure measurements in the normal forearm. J Orthop Trauma, 1993, 7, 414-416.
dr patrick houvet chirurgien du membre superieur et des nerfs peripheriques a paris 16

L’auteur : Docteur Patrick HOUVET

Le Docteur Patrick Houvet, chirurgien orthopédiste à Paris et en Île-de-France, est spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, ainsi qu’en chirurgie des nerfs périphériques.