Sélectionner une page

Paralysies des doigts longs : transferts palliatifs

Accueil » Pathologies des nerfs périphériques par région » Nerfs des mains et doigts » Paralysies des doigts longs : transferts palliatifs

La mobilité des doigts longs est sous la dépendance des muscles extrinsèques fléchisseurs et extenseurs et de muscles intrinsèques de la main.

  • Les muscles intrinsèques des doigts comportent : sept interosseux (quatre dorsaux et trois palmaires), quatre lombricaux et trois hypo-thénariens (abducteur, court fléchisseur et opposant du 5e doigt). À l’exception des deux premiers lom- bricaux, tous sont classiquement innervés par le nerf ulnaire. Ils commandent l’écartement et le rapprochement des doigts. Mais leur fonction principale est la flexion métacarpophalangienne et l’extension inter- phalangienne proximale et distale. Avec le système rétinaculaire de Landsmeer qui participe à la coordination entre fléchisseurs et appareil extenseur, les intrinsèques sont responsables de l’harmonie de flexion digitale.
  • Les muscles extrinsèques des doigts comprennent à la face palmaire le fléchisseur superficiel des doigts et le fléchisseur profond des doigts et à la face dorsale, l’extenseur commun des doigts et l’extenseur propre de l’index et l’extenseur propre du Ve doigt.

L’innervation motrice est assurée par :

  • le nerf radial pour l’extenseur commun des doigts, l’extenseur propre de l’index et du Ve doigt, l’extenseur ulnaire du carpe.
  • le nerf médian pour le fléchisseur radial du carpe (grand palmaire), le long palmaire, le fléchisseur commun superficiel des doigts (4chefs), le fléchisseur commun profond des doigts (2 chefs latéraux). A la main les 2 lombricaux latéraux.
  • le nerf ulnaire pour le fléchisseur ulnaire du carpe, les deux chefs médiaux du muscle fléchisseur profond des doigts et la majorité des muscles de la main, abducteur du V, court fléchisseur du V, opposant du V, palmaire cutané, les interosseux palmaires et les interosseux dorsaux, les 3ème et 4ème lombricaux. Le nerf ulnaire commande donc globalement la flexion du 4éme et 5éme doigt et l’écartement et le rapprochement des doigts.

Lorsqu’il est trop tard ou bien s’il est impossible une chirurgie nerveuse directe se pose la question du rétablissement des fonctions des doigts par un transfert tendineux spécifique.

Qu’est-ce qu’une paralysie des doigts longs ?


La paralysie des doigts va entrainer un déficit de tout ou partie de la fonction des doigts. Ce déficit de fonction est directement lié au(x) nerf(s) atteint(s). En effet, l’atteinte conjointe de plusieurs nerfs va entrainer une perte de fonction combinée dont l’analyse clinique doit être précise avant de proposer une éventuelle thérapeutique. (ex paralysie radiale isolée ou medio cubitale).

Quels sont les signes cliniques de cette paralysie ?


Les déficits fonctionnels sont directement liés au niveau anatomique du traumatisme nerveux.

 

Paralysies basses du nerf médian

Le déficit moteur comprend une paralysie des muscles thénariens externes avec des conséquences variables selon la répartition médian ulnaire. L’amyotrophie est variable selon l’étendue du déficit. La paralysie des deux premiers muscles lombricaux est sans traduction clinique.

 

Paralysie haute du nerf médian

Il s’agit de lésions du nerf médian au niveau ou en amont du nerf interosseux antérieur. Le déficit moteur inclut celui observé dans la paralysie basse concernant le pouce, auquel s’ajoute la paralysie:

  • des muscles rond et carré pronateurs
  • du palmaire long et du fléchisseur radial du carpe masquée par la présence du fléchisseur ulnaire du carpe
  • du long fléchisseur du pouce
  • des fléchisseurs profonds à destinée des 2e et 3e Toutefois, le déficit du 3e doigt est souvent masqué par les anastomoses entre fléchisseurs profonds au canal carpien
  • des fléchisseurs superficiels des doigts.

En cas d’anastomose de Martin-Grüber, il peut y avoir un déficit de muscles intrinsèques normalement innervés par le nerf ulnaire. Là aussi, le déficit moteur des muscles thénariens externes aura des conséquences variables selon la répartition médian ulnaire en cas d’anastomose de Riche-Cannieu.

 

Paralysies basses du nerf ulnaire

Le déficit moteur inclut une paralysie des muscles thénariens internes adducteur du pouce et chef profond du court fléchisseur du pouce. Cela se traduit par le signe de Froment et le signe de Jeanne.

Il y a en plus une paralysie des muscles interosseux dorsaux et palmaires et des deux derniers lombricaux. Cela se traduit par :

  • une amyotrophie de tous les espaces interosseux
  • l’arche métacarpienne transversale devient plate
  • une dysharmonie de flexion des 4e et 5e doigts
  • une griffe des 4e et 5e doigts, les deux premiers muscles lombricaux empèchant la griffe des 2e et 3e Le danger est que cette griffe s’enraidisse en flexion au niveau interphalangien et en extension au niveau métacarpophalangien. Si l’on empêche l’hyperextension métacarpophalangienne, en imposant une flexion passive de 30° à ces articulations, l’extension interphalangienne est possible. C’est la manœuvre de Bouvier.
  • la perte des possibilités de rapprochement des 4 doigts longs et d’écartement des 2e, 3e et 4e L’écartement du 5e doigt est permis par l’abducteur du 5e doigt. La perte d’abduction métacarpophalangienne de l’index est surtout préjudiciable lors de la pince pouce index pulpo-latérale.
  • le tableau complet comprend enfin une paralysie des muscles hypothénariens. L’absence de paralysie ou la récupération de l’abducteur du 5e doigt alors que les interosseux sont paralysés provoque une abduction permanente de ce doigt qui peut être très gênante et qui est le signe de Wartenberg

La paralysie ulnaire occasionne une diminution importante de la force des pinces pollicidigitale (− 75 à 80 %), interdigitales et palmodigitale.

 

Paralysie haute du nerf ulnaire

Le déficit moteur inclut celui observé dans la paralysie basse auquel s’ajoute la paralysie :

  • des fléchisseurs profonds à destinée des 4e et 5e La griffe des doigts longs est alors moins marquée que dans les paralysies basses du fait de la faiblesse des fléchisseurs
  • du fléchisseur ulnaire du carpe.

En cas d’anastomose de Martin-Grüber, il peut ne pas y avoir de déficit de tous les muscles intrinsèques normalement innervés par le nerf ulnaire. Les mêmes variations que dans les paralysies basses peuvent se retrouver au niveau du déficit des intrinsèques du pouce. La répartition entre médian et ulnaire des lom- bricaux et fléchisseurs profonds peut aussi varier.

 

Paralysie médio-ulnaires hautes

Ces paralysies sont consécutives à une lésion proximale de la moitié supérieure de l’avant -bras, lésion au coude ou au bras. En cas de paralysie complète, aux déficits précédents s’ajoute une paralysie des longs fléchisseurs des doigts et du pouce ainsi que des fléchisseurs du poignet et des pronateurs. Le déficit des pronateurs est compensé dans une certaine mesure par l’action du brachioradialis. Le déficit équivaut à la main à une paralysie du plexus brachial de type C7, C8, T1, où seul le territoire du nerf radial est fonctionnel avec, dans ce cas, une main totalement insensible. Il n’y a pas de flexion active du poignet.

Quels sont les examens complémentaires nécessaires ?


Un electromyogramme (EMG) est complémentaire à l’etude détaillée indispensable de la fonction du pouce. Cet examen doit être minutieux pour étudier chaque groupe musculaire et apprécier l’importance du déficit. Il peut être utile en cas de lésion nerveuse partielle ou bien avant de prendre la décision d’un transfert palliatif

Quels sont les traitements possibles ?


Les possibilités de transferts tendineux vont dépendent d’un certain nombre de critères cliniques : disponibilité, force, course, trajet et direction, longueur, synergie.

La restauration de l’harmonie de flexion des doigts longs et la correction de la griffe

Les indications thérapeutiques dépendent de la manœuvre de Bouvier. L’étude de la manœuvre de Bouvier permet de distinguer :

  • les griffes souples où la manœuvre de Bouvier est positive. L’extension active interphalangienne est possible si les métacarpophalangiennes sont placées passivement en flexion par l’examinateur.
  • les griffes enraidies où la manœuvre de Bouvier est négative. L’extension active des interphalangiennes n’est pas possible soit par raideur en flexion interphalangienne, soit par raideur en extension méta- carpophalangiennes.

Le traitement chirurgical a pour but :

  • par une méthode passive de limiter passivement l’extension métacarpophalangienne par capsulodèse métacarpo-phalangienne qui aura le même rôle que la main de l’examinateur dans la manœuvre de Bouvier. Cette technique est efficace sur une griffe souple.
    • La capsulodèse antérieure :
      • le principe en est un raccourcissement de la plaque palmaire métacarpophalangienne. La voie d’abord est palmaire au niveau du pli palmaire distal permettant en fin d’intervention une résection ovoïde cutanée pour faire une dermodèse
      • les bandelettes prétendineuses sont sectionnées et la poulie A1 est partiellement ouverte
      • les fléchisseurs sont réclinés. La plaque palmaire est exposée.
      • la capsule est incisée en U à base distale et le lambeau capsulaire est déplacé en proximal jusqu’à fléchir la métacarpophalangienne à l’angle voulu déterminé par la manœuvre de Bouvier. Il vaut mieux toujours une certaine hypercorrection car une certaine détente est possible.
      • le procédé de Zancolli nécessitant de faire passer le fil de fixation au travers du col du métacarpien peut être simplifié par la mise en place d’une mini-ancre Mitek® avec un fil non résorbable pour fixer le lambeau capsulaire proximal.
      • en post-opératoire, les métacarpophalangiennes sont placées en flexion. Une orthèse MP-stop est gardée pendant au moins deux mois. La mobilisation active des fléchisseurs est commencée en post-opératoire immédiat pour éviter des adhérences.
paralysie des doigts paralysie doigt de la main chirurgien main paris chirurgien nerfs paris maladie atteintes nerfs peripheriques docteur patrick houvet
  • par une méthode active de restaurer les fonctions intrinsèques :
    • restaurer uniquement la flexion active métacarpophalangienne. Ce sont les transferts palliatifs à action proximale. Cette technique est efficace sur la griffe et sur l’harmonie de flexion digitale.
      • la technique de référence est l’intervention «lasso» de Zancolli dont le principe repose sur un transfert actif cravatant une poulie du canal digital et se réfléchissant en aval de l’axe de flexion métacarpophalangien.
      • le moteur est le fléchisseur superficiel du 4e doigt divisé en autant de bandelettes qu’il y a de rayon à corriger.
      • la zone d’attache et de réflexion au niveau du canal digital est soit la poulie A1, soit la partie proximale de la poulie A2.
      • le fléchisseur superficiel est prélevé entre poulie A1 et A2, puis les bandelettes sont récupérées par une autre incision à l’union 1/3 proximal, 2/3 distaux de A2.
      • le tendon est ensuite suturé au niveau de la poulie et à lui-même.
      • le réglage de la tension se fait poignet en rectitude et métacarpophalangiennes en flexion 45°.
      • L’immobilsation post-opératoire se fait métacarpo- phalangiennes en flexion.
paralysie des doigts de la main paralysie des doigts chirurgien main paris chirurgien nerfs paris maladie atteintes nerfs peripheriques docteur patrick houvet
    • restaurer en plus de la flexion métacarpophalangienne mais aussi l’extension des interphalangiennes. Ce sont les palliatifs à action distale. Cette technique est efficace sur la griffe et sur l’harmonie de flexion digitale, mais le réglage est difficile.
      • le trajet du transfert sera palmaire par rapport à l’axe de flexion métacarpophalangien, donc en avant du ligament intermétacarpien au niveau du canal lombrical du côté radial du doigt à traiter. Le point de fixation distal est au niveau de la bandelette latérale radiale de l’appareil extenseur en regard de la première phalange.
      • Le moteur utilisé peut être :
        • dans l’intervention décrite par Littler un fléchisseur superficiel divisé en autant de bandelette qu’il y a de doigts à corriger.
        • dans l’intervention de Brand 1re manière, l’extenseur radial court du carpe ou 2e radial prolongé par une greffe est passé à la face dorsale du poignet puis au travers des espaces intermétacarpiens
        • dans l’intervention de Brand 2e manière, l’extenseur radial long du carpe ou 1er radial prolongé par une greffe de palmaris longus est passsé en circumradial. La flexion métacarpo-phalangienne est activée par l’extension du poignet.
        • transfert du palmaris, longus prolongé par des bandelettes de fascia lata ou des tendons d’extenseur court des orteils, passer au niveau du canal carpien en veillant à prendre des bandelettes fines et à placer les suture à distance du canal.
paralysie des mains paralysie des doigts de la main droite chirurgien main paris chirurgien nerfs paris maladie atteintes nerfs peripheriques docteur patrick houvet
  • En cas de manœuvre de Bouvier positive dans les griffes souples, peut être réalisé soit un lasso, soit une capsulodèse antérieure. La capsulodèse antérieure sera privilégiée en cas de contre-indication au lasso chez un patient laxe du fait du risque de col de cygne. En cas de paralysie haute, le fléchisseur superficiel du 4e doigt est à respecter compte tenu de la paralysie du fléchisseur profond. On peut utiiser le fléchisseur superficiel du 3e doigt mais avec des conséquences sur la force de serrage.
  • En cas de manœuvre de Bouvier négative et de griffe enraidie, il faut essayer par une rééducation adaptée associée à des orthèses de corriger l’enraidissement. S’il n’y a pas d’amélioration, il faudra discuter une arthrolyse interphalangienne proximale préalable à un éventuel transfert tendineux à action distale si la manœuvre de Bouvier se positive, soit une arthrodèse interphalangienne proximale.

 

Paralysies hautes

  • Il est important de vérifier la souplesse du poignet pour garantir un effet ténodèse nécessaire au bon fonctionnement des transferts de flexion du pouce et des doigts longs.
  • La flexion des doigts est restaurée par transfert de l’extenseur radial du carpe sur le fléchisseur profond.

 

Correction de l’abduction permanente du 5e doigt

Le signe de Wartenberg peut demeurer en cas de lésion ou de récupération partielles. La gêne peut être importante.

Le moteur utilisé est soit la moitié ulnaire de l’extenseur propre du 5e doigt soit la moitié ulnaire de l’extenseur commun du 4e.Le point de fixation est soit le ligament collatéral radial.

paralysie des doigts paralysie doigt de la main chirurgien main paris chirurgien nerfs paris maladie atteintes nerfs peripheriques dr patrick houvet

Transferts pour l’extension des doigts dans le cadre d’une paralysie radiale

Dans le cadre d’une paralysie radiale basse, la réanimation de l’extension des doigts par le transfert du FUC est le transfert classique.

Même si sa force avoisine celle de l’extenseur commun des doigts (ECD), on peut lui reprocher sa faible course tendineuse et surtout le risque d’accentuation de la déviation radiale du poignet du fait de l’absence de paralysie du long extenseur radial du carpe (LERC ou premier radial), voire du CERC et de la persistance de la paralysie de l’EUC. Le transfert du fléchisseur radial du carpe (FRC ou grand palmaire) lui est donc parfois préféré. Bien qu’étant plus faible que l’ECD, sa course s’en approche et son transfert n’entraîne pas de déséquilibre du poignet dans le plan frontal. Il peut être transféré par un trajet direct au travers de la membrane interosseuse comme le propose Tsuge ou via un trajet autour du bord ulnaire de l’avant-bras. Cette solution peut être choisie s’il existe en extension du poignet un fort déséquilibre du côté radial.

L’utilisation du muscle fléchisseur commun superficiel (FCS), comme celui du 4e doigt, a l’avantage de sa course qui est plus longue que celle de l’ECD. Son transfert peut-être effectué au travers de la membrane interosseuse ou autour de l’avant-bras. Le sacrifice de ce muscle puissant peut cependant entraîner une diminution de la force dans les prises digito-palmaires chez un travailleur manuel et supprimer l’indépendance de flexion du doigt qui doit être préservée dans certaines professions, notamment celles utilisant un clavier. De plus, si l’articulation interphalangienne proximale (IPP) est laxe dans le plan sagittal, il y a un risque d’apparition secondaire d’une déformation du doigt en col de cygne.

Quel est le pronostic ?


Si les doigts ont gardé leur souplesse ces différentes intervention donnent un bon résultat

L’assouplissement préalable à la réalisation du transfert est donc un élément clé.

Références


  • Fontaine C. Principes généraux des transferts tendineux. p162-172. Lésions traumatiques des nerfs périphériques. Elsevier Masson 2007
  • Merle M. Principes des transferts tendineux à la main. Cahier d’enseignement de la Société française de chirurgie de la main no 3. Paris : Expansion scientifique ; 1991. p. 37-47.
  • Moutet F. La réanimation de l’extension de la main et des doigts
  • en dehors des lésions plexiques. Cahier d’enseignement de la Société française de chirurgie de la main no 11. Paris : Expansion Scientifique ; 1999. p. 61-76.
  • Revol M, Servant JM. Paralysies de la main et du membre supérieur. Analyse et principes thérapeutiques. Paris : MEDSI ; 1987.
  •  Revol M, Servant JM. Chirurgie palliative motrice des paralysies de la main. (I) Principes et méthodes palliatives des fonctions élémentaires. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris).
  • Techniques chirurgicales-Orthopédie-Traumatologie, 44-420. 1987.
dr patrick houvet chirurgien du membre superieur et des nerfs peripheriques a paris 16

L’auteur : Docteur Patrick HOUVET

Le Docteur Patrick Houvet, chirurgien orthopédiste à Paris et en Île-de-France, est spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, ainsi qu’en chirurgie des nerfs périphériques.