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Les paralysies partielles de l’épaule (abduction, rotation externe)

Les différentes possibilités thérapeutiques en-dehors de la chirurgie nerveuse

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Qu’est-ce qu’une paralysie partielle de l’épaule ?


L’épaule place la main dans l’espace et lui permet d’atteindre ses objectifs. Les paralysies des muscles de l’épaule correspondant totalement ou partiellement à la perte d’une ou de plusieurs fonctions vont modifier la cinématique physiologique et entraîner des déficits de mobilité et de force.

Schématiquement on peut déterminer deux grands cadres, en cas d’échec de la chirurgie nerveuse – qui est le traitement de première intention- ou de prise en charge trop tardive lorsque cette chirurgie nerveuse n’est plus possible, alors les transferts musculaires palliatifs sont à discuter au cas par cas :

  • Les paralysies par atteinte nerveuse isolée.
  • Les paralysies de l’épaule associées à celles de la flexion du coude qui s’observent dans les lésions C5-C6 isolées ou associées à des lésions radiculaires inférieures.  

La physiologie de l’abduction parait simple, résultant de l’action combinée de deux muscles, le deltoïde et le sus-épineux qui sont innervés respectivement par le nerf circonflexe et le nerf sus-scapulaire. En fait le rôle de chacun de ces muscles dans la cinématique est plus complexe et l’abduction se décompose en trois temps: les muscles moteurs du premier temps sont essentiellement le deltoïde et le sus-épineux pour porter le bras à 90°; dans un second temps l’abduction ne peut continuer que grâce à un mouvement de sonnette de l’omoplate, mis en mouvement par le trapèze et le grand dentelé. Enfin, pour atteindre la verticale, le rachis doit participer au mouvement en s’inclinant latéralement.

Quels sont les signes cliniques de ces paralysies de l’épaule ?


  • L’abduction : la paralysie du deltoïde par atteinte du nerf circonflexe entraîne une gêne fonctionnelle importante avec une absence de force dans l’abduction. Si cette paralysie est isolée, il n’existe pas de déficit complet ; l’abduction reste en partie possible par la coiffe des rotateurs.
  • La rotation externe : face au nombre et à la puissance des rotateurs internes, (grand dorsal, grand rond, sous-scapulaire, grand pectoral), les muscles rotateurs externes apparaissent faibles. La rotation externe repose sur le sous-épineux et le petit rond qui sont innervés respectivement par le nerf sus-scapulaire et le circonflexe. Ces deux nerfs sont issus de la même racine C5 du plexus brachial et ils peuvent donc être paralysés simultanément dans les élongations du plexus brachial. Lorsque les rotateurs externes sont paralysés et que cette paralysie est isolée, le patient présente un défaut de rotation externe qui se traduit par le signe du clairon. Le patient ne peut pas mettre la main à la bouche sans faire une abduction de 90°. Le membre supérieur reste en rotation interne, le gênant pour marcher avec la main qui vient frotter sur la cuisse.

Quels sont les examens complémentaires utiles ?


En-dehors d’un très bon examen clinique, détaillé et comparatif, qui doit être consigné pour être éventuellement comparé et actualisé, certains examens sont fondamentaux.

  • L’electromyogramme ou EMG permet de chiffrer électriquement les différents groupes musculaires de l’épaule, non seulement pour les fonctions déficitaires mais aussi pour apprécier les muscles de voisinage éventuellement transférables- un muscle susceptible d’être transféré doit en effet être intact ou sub-intact-.
  • Les examens iconographiques qui permettent de faire le diagnostic de la cause de la paralysie : myeloscanner, IRM, etc.

Quelles sont les possibilités de traitement ?


1. Paralysies de l’abduction

C’est Saha en 1967 qui a clarifié les techniques de réanimation de l’abduction.

Lorsqu’un des deux muscles principaux est atteint, le reste des muscles moteurs doit être apprécié avant de proposer un transfert tendineux.

Lorsque la paralysie de l’abduction est complète et que les autres muscles sont normaux en particulier les muscles de la coiffe des rotateurs, le biceps et le triceps, de nombreuses méthodes de transferts tendineux ont été décrites. (Spitzy, Mau, Ansart, Hildebrandt, Ober, Harmon…)

Deux interventions ont surtout été utilisées dans la littérature :

 

  • Transfert de la long portion du triceps : (Sloaman 1916)

Le patient est installé en décubitus latéral.

La voie d’abord est postérieure suivant en arrière le bord postérieur du deltoïde puis descendant à la face postérieure du bras. En haut, l’incision se recourbe en L inversé sur l’acromion.

On repère dans un premier temps la longue portion du triceps sur la partie inférieure de la glène de l’omoplate.

Le tendon est disséqué au ras de l’os. La dissection progresse de proximal en distal et consiste à séparer la longue portion du triceps du vaste interne.

On rencontre dans cette dissection le nerf et les vaisseaux de la longue portion, qui naissent profondément du nerf radial. La dissection peut se poursuivre ainsi jusqu’à la partie moyenne du bras grâce à la dissection du pédicule.

Le tendon peut être amené au contact de l’acromion soit directement soit en le faisant passer sous le chef postérieur du deltoïde. On le fixera à l’endroit où s’insère le chef moyen du deltoïde par trois ou quatre points trans-osseux.

Lors de la fixation le coude est en extension et le membre supérieur en abduction de 90°.

Le patient sera immobilisé dans cette position pendant cinq semaines.

 

  • Transfert du trapèze : (Bateman 1954 )

Mayer a décrit l’intervention princeps.

Le trapèze est détaché de la clavicule, de l’acromion et des attaches spinales distales, fixé à un segment de fascia-lata tubulisé puis passé au-dessus du deltoïde attaché le plus bas possible sur le trochiter.

L’intervention a été modifiée ensuite par Lange et Bateman en 1954.

Le patient est installé en décubitus latéral

L’incision est transversale du bord antérieur de la clavicule à l’épine de l’omoplate en arrière.

Une incision longitudinale médiane est branché en Y.

Le deltoïde est détaché du tiers externe de la clavicule, de l’acromion et de la moitié de l’épine de la scapula.

L’origine de l’acromion et le quart externe de la clavicule sont coupés transversalement.

Les insertions musculaires du trapèze sont dégagées de la clavicule et de l’épine de l’omoplate jusqu’à 2 cm du bord spinal de l’omoplate.

La dissection est particulièrement minutieuse entre le trapèze et le sus-épineux pour protéger le paquet vasculo-nerveux spinal et l’artère cervicale transverse.

Le deltoïde est clivé longitudinalement pour exposer l’humérus qui est avivé à l’ostéotome.

Le bras en abduction à 90°, le médaillon acromio-claviculaire est fixé le plus bas possible sur l’humerus par des vis de 4.5mm et le deltoïde est rapproché en volet sur la nouvelle insertion du trapèze.

Le patient sera immobilisé dans cette position pendant six semaines.

 

2. Paralysies de la rotation externe

Pour supprimer le déficit de rotation externe gênant plusieurs interventions ont été proposées.

Kleinberg a proposé en 1932 une capsulorraphie en rotation externe.

Aprés avoir libéré le sous-scapulaire il transferait en avant les tendons rotateurs externes avec essentiellement un effet ténodèse en rotation externe…

Un seul transfert est essentiellement retrouvé dans la littérature : le transfert des tendons du grand rond et du grand dorsal : (L’Episcopo 1939)

Dans la technique princeps de 1934, il décrit une transposition isolée du grand rond au bord postérieur de la partie proximale de l’humérus pour faire de ce muscle un rotateur externe de l’épaule.

La technique dans l’article de 1939 consiste à transferer à la fois le tendon du grand rond et du grand dorsal en postéro-externe.

Ces tendons sont désinsérés de l’humerus, le contournent par l’arrière pour être refixés au niveau de l’insertion humérale du grand pectoral qui a lui-même été sectionné pour relacher la rotation interne.

Leffert parait satisfait des résultats dans son article de 1965,  mais plusieurs auteurs ont modifié la technique princeps:

– Zachary utilise une voie postérieure et suture le tendon du grand dorsal au long chef du triceps.

– Green et Tachdjan, Chung et Nissenbaum ne sectionne pas le grand pectoral mais réalisent une ténotomie en Z.

– Zancolli utilise une voie d’abord axillaire, allonge le tendon du grand dorsal qui est libéré de ses attaches humérales.

Le tendon est passé en arrière et suturé à lui-même. Le tendon du grand rond est laissé intact.

Le grand pectoral est transferé sur l’extremité distale du sous-scapulaire.

– La plupart des auteurs actuellement fixent le tendon sur le sous-épineux.

 

3. Paralysie avec perte combinée de plusieurs fonctions

Dans les paralysies des muscles de l’épaule dans le cadre d’une lésion du plexus brachial, la conduite thérapeutique obeit à une démarche logique, fonction de la récupération de muscles ou de groupes musculaires responsable d’une fonction.

Les problèmes de l’épaule n’occupent que la deuxième place dans l’ordre de priorité du rétablissement des fonctions du membre supérieur.

C’est en effet la flexion du coude qu’il faut réanimer en priorité, par la chirurgie nerveuse a priori ou par des transferts musculaires.

Le capital musculaire disponible, même en cas de récupération partielle, pour un éventuel transfert est en fait trés limité, en nombre et en qualité.

Dans tous les cas ces interventions ne seront pratiquées que si le biceps a récupéré avec une force supérieure à 3 et que l’épaule est stable ou stabilisée.

L’arthrodèse gléno-humérale est classiquement décrite comme traitement de choix. Mais cette indication doit être discutée en fonction de la profession car elle a l’inconvénient majeur de bloquer les rotations.

 

3.1. Réanimation de la rotation externe

Comme l’a décrit Duchenne de Boulogne, la rotation externe est indispensable dans l’utilisation du membre supérieur car elle permet de décoller la main de la face antérieure du tronc et de la porter en avant et en dehors.

Lorsque les pectoraux sont présents et qu’il existe donc une rotation interne active, deux cas de figures pratiques peuvent se présenter.

– dans le premier cas la rotation externe passive est impossible et l’épaule est enraidie; c’est typiquement l’indication d’une ostéotomie de dérotation.

– dans le deuxième cas la rotation externe passive est possible et on souhaiterait réanimer activement une « certaine » rotation externe.

– Si le grand rond et le grand dorsal sont présents on peut proposer le transfert d’un de ces deux muscles.

Dans la littérature, ces muscles sont souvent déficitaires et la transposition n’a aucun effet actif. Les rotateurs internes sont puissants et ne peuvent être équilibrés par un transfert tendineux dont la force ne dépasse jamais 3.

– On peut utiliser un muscle comme l’ angulaire et réaliser un transfert angulaire-sous épineux. Notre expérience n’est pas suffisante pour apprécier le résultat.

 

3.2. Réanimation de la rotation externe et de l’abduction

Si une certaine rotation externe a été récupérée voire si le membre supérieur est en position neutre équilibrée se pose le problème d’ajouter à la rotation externe la fonction d’abduction.

Nous n’avons pas l’experience des transferts musculaires utilisant soit le triceps soit le trapèze, mais certains auteurs (Aziz) sont satisfaits par les résultats sur l’abduction donnés par le transfert du trapèze selon Bateman, avec une abduction active qui dépasse 45° et aucune sub-luxation.

Références


  • Alnot JY, Narakas A. Traumatic brachial plexus injuries. Ed Expansion Scientifique Française. 1996
  • Kawai H, Kawabata H. Brachial plexus palsy. Ed World Scientific. 2000
  • Mackinnon SE. Nerve surgery. Thieme ED. NY 2015
  • Slutsky D. Hentz V.R. Peripheral nerve surgery. Churchill Linvingston 2006
dr patrick houvet chirurgien du membre superieur et des nerfs peripheriques a paris 16

L’auteur : Docteur Patrick HOUVET

Le Docteur Patrick Houvet, chirurgien orthopédiste à Paris et en Île-de-France, est spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, ainsi qu’en chirurgie des nerfs périphériques.