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Les paralysies du pouce : transferts palliatifs

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Le pouce est de loin le doigt le plus important en raison d’une part de la liberté de ses mouvements permettant son opposition à la paume et aux autres doigts et d’autre part de la force de la pince pollici-digitale. Il joue un rôle incontournable dans la majorité des prises. L’opposition du pouce est un mouvement complexe qui associe :

  • l’action des muscles extrinsèques et intrinsèques du pouce.
    • Le groupe latéral des muscles intrinsèques forme l’éminence thénar. Il est constitué de quatre muscles :court abducteur du pouce, opposant du pouce, court fléchisseur du pouce et l’adducteur du pouce.
    • Les muscles extrinsèques du pouce sont le long fléchisseur du pouce à la face palmaire et le long abducteur, court extenseur et long extenseur à la face dorsale.
  • la physiologie particulière de l’articulation trapézo-métacarpienne parfaitement décrite par I.A Kapandji. Il existe une rotation longitudinale automatique au niveau de l’articulation (en selle) trapézo-métacarpienne.

Sur le plan moteur, tous les muscles de l’éminence thénar sont innervés par le nerf médian sauf le muscle adducteur du pouce innervé par le rameau profond du nerf ulnaire et le chef profond du court fléchisseur également innervé par une branche du nerf ulnaire. Le mouvement de rétropulsion est uniquement assuré par des muscles innervés par le nerf radial.

Lorsqu’il est trop tard ou bien s’il est impossible une chirurgie nerveuse directe se pose la question du rétablissement des fonctions du pouce (et en particulier de l’opposition) par un transfert tendineux spécifique.

Qu’est ce qu’une paralysie du pouce ?


La paralysie du pouce entraine un déficit de tout ou partie de la fonction du pouce. Ce déficit de fonction est directement lié au(x) nerf(s) atteint(s). En effet, l’atteinte conjointe de plusieurs nerfs va entrainer une perte de fonction combinée dont l’analyse clinique doit être précise avant de proposer une éventuelle thérapeutique. (ex paralysie radiale isolée ou medio cubitale).

Quels sont les signes cliniques de cette paralysie ?


Les signes cliniques dépendent des nerfs atteints.

Le nerf médian innerve tous les muscles de l’éminence thénar sauf le muscle adducteur du pouce. Le déficit moteur comprend une paralysie des muscles thénariens externes avec des conséquences variables selon la répartition médian ulnaire :

  • paralysie complète de l’opposition-antépulsion du pouce en cas de paralysie des muscles opposant, court abducteur, chef superficiel du court fléchisseur du pouce
  • paralysie complète de l’opposition-antépulsion du pouce à laquelle s’ajoute un signe de Froment en cas de paralysie des muscles opposant, court abducteur, chefs superficiel et profond du court fléchisseur du pouce
  • absence de paralysie et l’opposition-antépulsion du pouce persistante de façon totale ou subtotale en cas d’innervation de la totalité du court fléchisseur du pouce par le nerf ulnaire

Le nerf ulnaire innerve l’adducteur du pouce et le court fléchisseur. Le déficit moteur inclut une paralysie des muscles thénariens internes adducteur du pouce et chef profond du court fléchisseur du pouce qui se traduit par :

  • le signe de Froment: c’est l’instabilité de l’interphalangienne du pouce qui fléchit lors des prises de force pouce-index par paralysie de l’adducteur participant du côté ulnaire à la dossière de l’ap- pareil extenseur. Le long extenseur du pouce aidé par le court abducteur et le faisceau superficiel du court fléchisseur participant à la dossière de l’extenseur n’est pas assez fort pour s’opposer au long fléchisseur du pouce.
  • le signe de Jeanne : c’est l’instabilité de la métacarpophalangienne qui se place en extension ou hypeextension lors des prises de force pollici-digitales par paralysie du court fléchisseur du pouce.

 

Le nerf radial innerve le court extenseur, le long extenseur et le long abducteur. Une plaie du nerf radial va donc entrainer un déficit complet d’extension du pouce.

Quels sont les examens complémentaires nécessaires ?


Un electromyogramme (EMG) est complémentaire à l’etude détaillée indispensable de la fonction du pouce. Cet examen doit être minutieux pour étudier chaque groupe musculaire et apprécier l’importance du déficit. Il peut être utile en cas de lésion nerveuse partielle ou bien avant de prendre la décision d’un transfert palliatif

Quelles sont les possibilités de traitement ?


Les possibilités de transferts tendineux vont dépendent d’un certain nombre de critères cliniques : disponibilité, force, course, trajet et direction, longueur, synergie.

Chirurgie palliative en cas de paralysie basse du nerf médian pour paralysie de l’opposition antépulsion du pouce :

  • Transfert de l’extension propre de l’index : C’est le transfert de choix dans les paralysies isolées du nerf médian avec déficit d’opposition-antépulsion. La technique opératoire comporte:
    • section du tendon distal de l’extenseur propre de l’index au dos de la métacarpophalangienne par une courte voie d’abord. R
    • récupération en amont du rétinaculum par une voie en «V» à base ulnaire au travers d’une large fenêtre aponévrotique.
    • passage en sous-cutané au bord ulnaire de l’avant-bras juste au-dessus de la tête ulnaire en veillant à ne pas léser la branche dorsale du nerf ulnaire.
    • trajet sous-cutané reliant la zone poulie au bord ulnaire de l’avant-bras et une incision dorso-latérale en regard de la métacarpo-phalangienne du pouce exposant le tendon du court abducteur du pouce.
    • Fixation solide
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  • Transfert du court extenseur du pouce :
    • ce transfert est prélevé par l’incision qui permettra la fixation à l’abducteur. La dossière doit être parfaitement reconstituée et la métacarpophalangienne immobilisée en extension en post-opératoire.
    • le tendon est récupéré par une voie d’abord au dos de l’avant-bras en amont du retinaculum. Le tendon est passé au travers de la membrane interosseuse en amont du carré pronateur par une large fenêtre et récupéré sur le bord ulnaire du fléchisseur radial du carpe en radial par rapport au nerf médian.
    • le tendon est ensuite passé en sous-cutané jusqu’au tendon du court abduc- teur du pouce.

 

  • Transfert du fléchisseur superficiel du 4e doigt :
    • le fléchisseur superficiel est prélevé en amont du chiasma entre poulies A1 et A2.
    • le fléchisseur superficiel est récupéré en amont du canal carpien. Les poulies utilisées sont la loge de Guyon, le fléchisseur ulnaire du carpe en créant une poulie.
    • le tendon fléchisseur superficiel est ensuite passé en sous-cutané vers la métacarpophalangienne du pouce.
    • ce transfert ne peut être réalisé en cas de séquelles de section des fléchisseurs superficiels. Il diminue la force de fermeture des doigts et n’est pas exempt de complications au niveau de l’interphalangienne proximale. Ce transfert est à privilégier dans les mains à raides.
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  • Transfert du palmaris longus :
    • ce transfert ne garde des indications rares que dans les séquelles de paralysie des thénariens externes suite à un syndrome du canal carpien évolué. Il peut être réalisé au cours de la libération nerveuse.
    • le tendon est prélevé, prolongé par une bandelette prétendineuse du 3e rayon, récupéré au 1/3 distal de l’avant-bras et passé en sous-cutané vers le tendon du court abducteur du pouce. Il n’y a pas de poulie de réflexion.

 

  • Transfert de l’abducteur du cinquième doigt :
    • Il n’est effectué qu’en cas de contre-indication des autres.
    • le muscle est prélevé par une incision ulno-palmaire au niveau de la paume.
    • l’insertion proximale est détachée, puis fixée sur l’aponévrose palmaire.

 

  • Transfert du long fléchisseur du pouce : (technique de Makin modifiée par Oberlin et Alnot)
    • le tendon du long fléchisseur du pouce est transféré en continuité et passé au travers d’une arthrodèse de l’IP du pouce.
    • le tendon est passé sous l’extenseur puis au dos de la MP du pouce et non au dos de P1 pour éviter une déformation en flexion de cette articulation. Le tendon est aussi passé au travers du tendon du court abducteur du pouce.
    • cette technique n’est indiquée que dans les paralysies combinées avec flexum non réductible de l’interphalangienne du pouce et absence d’autre muscle transférable.

 

Chirurgie palliative en cas de paralysie basse du nerf ulnaire pour renforcement de la pince pouce-index :

En cas de paralysie de l’adducteur et du court fléchisseur du pouce, on retrouve un signe de Froment. La MCP du pouce est rarement instable en hyperextension sauf chez un patient hyperlaxe, l’IP du pouce est en général souple. Le transfert tendineux a pour objectif de renforcer la flexion métacarpophalangienne selon Zancolli. La réanimation de l’adduction du pouce expose à un manque d’ouverture de la première commissure.

 

  • Transfert de réanimation du court fléchisseur du pouce :

Le muscle utilisé est le fléchisseur superficiel du 4e doigt en cas de paralysie basse sans lésion associée des fléchisseurs au poignet. Ce transfert a pour objectif de fléchir la MCP du pouce, de participer à l’extension interphalangienne et par sa direction dont l’axe se projette en aval du pisiforme de donner une action d’adduction. La tension de réglage se règle poignet en rectitude, le pouce en antéposition moyenne, articulations MP et IP du pouce en rectitude. En cas d’absence de fléchisseur superficiel utilisable, l’extenseur propre de l’index peut être employé avec un trajet transmembranaire ou circumulnaire sous le fléchisseur ulnaire du carpe et le paquet ulnaire pour passer ensuite en profondeur au niveau du canal carpien.

  • le tendon est récupéré en amont du canal carpien, passé sous son contenu, récupéré au bord distal du canal par une incision oblique allant vers la base du pouce. La poulie de réflexion est le bord radial et distal du canal carpien.
  • le tendon suit le long fléchisseur du pouce en passant au-dessous de lui, puis en se dirigeant du côté radial sous les pédicules.
  • le point de fixation est le tendon du court abducteur du pouce avec prolongement jusqu’à la dossière de l’extenseur et le long extenseur du pouce.

 

  • Transfert d’adduction du pouce :

Le transfert le plus populaire est celui du fléchisseur superficiel du 4e doigt selon Thompson qui a comme poulie de réflexion le bord ulnaire de l’aponévrose palmaire superficielle. Le point de fixation est classiquement l’adducteur du pouce. L’inconvénient de ce transfert très puissant, outre le risque de limitation de l’abduction, est représenté par l’angulation marquée au niveau de la poulie de réflexion.

 

Gestes associés :

  • En cas d’instabilité de la métacarpophalangienne du pouce, une arthrodèse est effectuée ce qui permet l’utilisation du court extenseur du pouce pour réanimer le premier interosseux dorsal.
  • En cas de flexum interphalangien non réductible ou d’absence de possibilité de transfert pour le « Froment », une simple arthrodèse interphalangienne du pouce peut permettre une amélioration fonctionnelle et un gain de force. Toutefois, la perte de mobilité de cette articulation peut être gênante

 

Chirurgie palliative en cas de paralysie basse du nerf radial pour rétablissement de l’extension du pouce

La réanimation du long extenseur du pouce (LEP) permettant la rétropulsion et l’extension proprement dite de l’articulation MCP et de l’IP peut être réalisée conjointement par le muscle transféré sur l’ECD dans le cas du triple transfert classique. Si on souhaite conserver son indépendance au pouce, un transfert autonome par le palmaris longus est aussi fréquemment utilisé. Le FRC ou le FS peuvent aussi être utilisés isolément sur le LEP notamment en absence du LP, mais ces transferts puissants ont un fort effet d’inclinaison radiale.

L’abduction du pouce peut être assurée à des degrés divers par trois procédés :

  • le déroutement du trajet du LEP en dehors du tubercule de Lister soit simplement au dos du poignet par ouverture de sa coulisse, soit par passage dans la coulisse de l’ ERC, s’il a été utilisé comme transfert ou simplement recentré.
  • une ténodèse du tendon du long abducteur du pouce (LAP) autour de l’insertion distale du brachioradial [BR] (long supinateur).
  • le transfert classique du LP sur le LAP ou en absence du LP par le BR qui dans cette paralysie radiale basse reste innervé. Ce transfert peut également être effectué conjointement sur le LEP dérouté et sur le CEP.

Quel est le pronostic ?


Les résultats de ces transferts sont excellents. Toutefois ces transferts ne doivent être utilisé que pour des mains souples. La raideur complique beaucoup le pronostic d’où l’interêt d’une réeducation majeure et prolongée apres le traumatisme nerveux.

Références


  • Fontaine C. Principes généraux des transferts tendineux. p162-172. Lésions traumatiques des nerfs périphériques. Elsevier Masson 2007
  • Merle M. Principes des transferts tendineux à la main. Cahier d’enseignement de la Société française de chirurgie de la main no 3. Paris : Expansion scientifique ; 1991. p. 37-47.
  • Moutet F. La réanimation de l’extension de la main et des doigts en dehors des lésions plexiques. Cahier d’enseignement de la Société française de chirurgie de la main no 11. Paris : Expansion Scientifique ; 1999. p. 61-76.
  • Revol M, Servant JM. Paralysies de la main et du membre supérieur. Analyse et principes thérapeutiques. Paris : MEDSI ; 1987.
  •  Revol M, Servant JM. Chirurgie palliative motrice des paralysies de la main. (I) Principes et méthodes palliatives des fonctions élémentaires. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris). Techniques chirurgicales-Orthopédie-Traumatologie, 44-420. 1987.
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L’auteur : Docteur Patrick HOUVET

Le Docteur Patrick Houvet, chirurgien orthopédiste à Paris et en Île-de-France, est spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, ainsi qu’en chirurgie des nerfs périphériques.