Sélectionner une page

La dystonie focale du musicien (DM)

Accueil » Pathologies sans origine nerveuse » La dystonie focale du musicien (DM)

Elle est aussi appelé « dystonie de fonction du musicien » et également connue sous le nom de  » crampe du musicien ». Plusieurs professions exigent des mouvements de la main répétés et complexes. Cependant, il est étonnant de constater que la dystonie focale de la main est beaucoup plus répandue chez les musiciens que dans tout autre groupe de professionnels, notamment les dentistes, les chirurgiens et les écrivains. Chez les musiciens, elle touche approximativement 1à 2% des musiciens professionnels.

Qu’est-ce que la dystonie focale du musicien ?


C’est une affection neurologique indolore, qui se caractérise par une perte de contrôle et de coordination des mouvements individuels des doigts. Elle s’associe avec une détérioration du système sensori-moteur qui est directement lié à l’exécution du mouvement volontaire, se manifestant majoritairement lors du jeu instrumental, et pas pendant la seule imitation du mouvement concerné. Pour cette raison on se réfère au trouble comme étant « action-dépendant » ou « lié à la tâche ». On suppose une prédisposition génétique dans moins de 5 % de tous les cas de dystonie focale.

Lâge d’apparition des premiers symptômes varie entre 16 et 75 ans et la moyenne se situe autour des 30 ans, sans différence significative entre les deux sexes et avec une proportion plus élevée du sexe masculin chez les musiciens dystoniques.

Le classique est le style musical le plus souvent concerné. Ceci est certainement dû à un type de jeu qui « reproduit », contrairement aux musiciens de jazz, qui pratiquent, eux, l’improvisation et où la reproduction exacte joue un rôle mineur. Il existe un rapport entre l’instrument joué et l’apparition de la DM, les instruments à risque se révèlent être le piano, la guitare classique et les instruments à vent. En effet, l’utilisation de ces instruments nécessite pour la main du musicien d’une précision spatio-temporelle très importante. Ceci implique le fait que la main droite soit plus souvent atteinte dans le cas des claviers (piano, organe, clavecin) et les instruments à corde pincée (guitare, contrebasse électrique) la main gauche est souvent atteinte pour les instruments à corde frottée (violon, violoncelle). Un autre facteur à risque est d’être soliste. Un changement de technique ou une augmentation de la durée dans la pratique ont été identifiés comme des facteurs précipitants.

L’apparition des symptômes pourrait être conditionnée par plusieurs facteurs :

  • Origine génétique : certaines études, suggèrent une possible prédisposition génétique (Dystonie généralisée précoce) associée au gène DYT1.
  • Douleur locale et/ou augmentation d’afférences sensitives. 
  • Compression nerveuse : les traumatismes des nerfs périphériques, ainsi que les compressions nerveuses ont été décrits comme des facteurs participant à l’apparition de la DM.
  • Syndrome de Linburg-Comstock : Le syndrome de Linbourg-Comstock, connexion entre le Flexor Pollicis Longus (FPL) et le Flexor Digitorum Profundus (FDP) limite la dissociation entre l’inter-phalangienne du pouce et inter-phalangienne distal de l’index empêchant leur action indépendante. Cette anomalie est présente chez un 30% de la population mais il n’est pas connu qu’elle soit à l’origine de problèmes chez les musiciens.
  • Traumatismes ou syndromes de surmenage : un événement traumatique ou une situation de stress apparaissent comme un facteur à risque dans 10-20% des cas. 
  • Origine psycho-génique :  ces facteurs doivent être tenus en compte comme des facteurs aggravants. Toutefois la moitié du groupe des musiciens dystoniques ne présentent pas des signes d’anxiété, perfectionnisme ou stress ce qui suggère la possibilité de profils psychologiques différents parmi les DM.

Quels sont les manifestations cliniques ?


Les musiciens présentant une dystonie focale de la main, décrivent souvent des contractions involontaires, perte de coordination à l’heure de réaliser un mouvement précis ou lors de passages spécifiques (par exemple lors de l’exécution de passages rapides), sensation de crampe, position anormale de la main, enroulement d’un ou plusieurs doigts, fixation des doigts sur les touches de l’instrument, irrégularités dans le rythme (irrégularité des trilles) et le tempo sont des signes habituelles. Ces symptômes apparaissent souvent simultanément lors des périodes de pratique intensifiée et stress professionnel (ex. des examens ou concerts). Dans la plupart des cas, la dystonie est présente uniquement dans le contexte de tâches précises. À titre d’exemple, certains musiciens qui jouent de plus d’un instrument à vent signalent que la dystonie peut se manifester alors qu’ils jouent de la clarinette, mais non lorsqu’ils jouent du saxophone.

La dystonie peut aussi sembler extrêmement sensible au toucher : un pianiste peut avoir des symptômes alors qu’il joue sur des clés de piano en ivoire, mais non lorsqu’il joue sur des clés en plastique. Parfois la modification de la posture et même les expressions faciales peuvent avoir une incidence sur les spasmes dystoniques dans la main.

dystonie neurovegetative dystonie neurovegetative traitement chirurgien paris chirurgien nerfs paris maladie atteintes nerfs peripheriques docteur patrick houvet

Les droitiers développent plus facilement une dystonie dans leur main droite et les gauchers dans leur main gauche. Les droitiers rencontrent plus de difficultés sur des tâches secondaires alors que la main gauche reste limitée à la tâche du jeu instrumental.

La flexion anormale des doigts est plus souvent observée chez pianistes et violonistes, pendant que dans la famille des instruments à vent c’est l’activation des lombricaux qui résulte dans une extension des doigts. (29) Les doigts de la main le plus souvent concernés son le 3, 4, et 5 (D3 à D5).

Le diagnostic reste purement clinique et doit s’accompagner de l’observation du jeu instrumental

  • Signes de faiblesse des doigts et de la main et positions anormales pendants le jeu.
  • Absence ou amélioration des symptômes pendant imitation du geste en dehors du contexte musical (ex: réaliser la même séquence sur une table).
  • Sensibilité normale, coordination, réflexes et absence de sensation douloureuse de l’extrémité concernée.
  • Absence de pathologies du système nerveux central.

L’examen doit éliminer formellement un syndrome canalaire du membre supérieur. La plupart de ces syndromes chez les instrumentistes sont dûs aux attitudes vicieuses comprimant ou tirant un nerf au niveau d’un défilé anatomique étroit tel que le canal carpien. L’appui direct de l’instrument peut être responsable d’une irritation nerveuse tel que l’appui de flûte sur le bord radial de l’index gauche comprimant le nerf collatéral interne par exemple. D’autres étiologies sont plus discutables telles que la répetition d’un même mouvement entraînant par compression musculaire avec une interruption transitoire de la microcirculation intra neurale (cumulative trauma disorders).

On recherchera :

  • Compression du plexus brachial ou syndrome du défilé : les instrumentistes longilignes, au long cou et aux épaules tombantes, avec une musculature scapulothoracique insuffisante, plus souvent des femmes, peuvent présenter des compressions des racines inferieures du plexus brachial, au niveau du défilé costoclaviculaire. Ce défilé se trouve rétréci lorsque le bras est élevé en abduction, position maintenue pendant des heures chez les instrumentistes jouant debout. Ces compressions peuvent aussi se voir chez les musiciens supportant un instrument lourd à l’aide de sangles s’appuyant sur l’épaule.
  • Compression haute du nerf médian : Les compressions sous le lacertus fibrosus se retrouvent à l’avant-bras gauche des violonistes jouant avec une supination excessive.
  • Compression du NIOA : flexion trop marquée du coude avec pronation ou supination excessive de l’avant-bras.
  • Syndrome du canal carpien : les mouvements répétés de flexion des doigts sont souvent associés à une mauvaise position du poignet. La plus dangereuse est l’extrême flexion du poignet gauche, que l’on rencontre fréquemment chez les guitaristes.
  • Compression du nerf ulnaire: elle survient plus souvent au niveau du membre supérieur gauche des violonistes et des autres instrumentistes à cordes. Cette prédominance gauche semble montrer que le maintien du coude en flexion joue un rôle plus important que les mouvements de flexion-extension du coude dans l’apparition de ces lésions.
dystonie def dystonie nerveuse chirurgien paris chirurgien nerfs paris maladie atteintes nerfs peripheriques docteur patrick houvet
  • Compression du nerf radial :
    • le NIOP peut-être comprimé par différentes structures au niveau du coude. La compression au niveau de l’arcade de Frôhse du court supinateur a été décrite sur un chef d’orchestre, en 1905. Ces compressions ont été signalées sur l’avant-bras gauche des violonistes ainsi que chez des pianistes et des flûtistes.
    • Le syndrome douloureux du tunnel radial est plus frequent que la forme paralytique.
    • La branche sensitive superficiel du nerf radial peut être comprimée au poignet. L’association de pronation et d’inclinaison cubitale chez les pianistes et sur la main droite violoniste ou du guitariste peut irriter le nerf et entraîner des douleurs au niveau de la première commissure simulant une tendinite de Quervain.
  • Compression des nerfs digitaux : des névrites digitales peuvent survenir sur les doigts des musiciens supportant un instrument ou pinçant des cordes : pouce gauche du corniste, index gauche du flûtiste et du violoniste.

Quels sont les examens complémentaires ?


L’electromyogramme (EMG) etudiant la vitesse de conduction nerveuse (VCN) de l’extrémité concernée est strictement normal.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) consiste à mesurer le signal BOLD qui reflète le taux d’oxygénation du sang dans le cerveau.

Deux autres approches servant à évaluer l’activité du cerveau sont l’électroencéphalogramme (EEG), qui permet de mesurer l’activité électrique des neurones dans le cortex cérébral et le magnéto encéphalographie (MEG) qui donne une idée du métabolisme du cerveau en mesurant les champs magnétiques induits par l’activité cérébrale.

dystonie nerveuse la dystonie chirurgien paris chirurgien nerfs paris maladie atteintes nerfs peripheriques docteur patrick houvet

Ce sont plus des techniques utilisées en recherche que des examens compllémentaires de routine.

Quel est le traitement ?


Le traitement conservateur consistera tout d’abord à corriger les postures qui peuvent être responsable de la difficulté temporaire et à éviter les activités exacerbant la gêne. Il faut multiplier les périodes de repos pendant les douleurs. Il faut multiplier les périodes de repos pendant les répétitions et utiliser des anti-inflammatoires non stéroïdiens à la demande. Il est important de faire appel à un rééducateur spécialisé dans le traitement des musiciens pour la correction des positions vicieuses et de la gestuelle et au besoin s’adresser à un professeur de musique pour ajuster la technique et le répertoire.

Les injections de toxine botulique visent à réduire hyperactivité pathologique de la jonction neuromusculaire. Malgré quelques résultats positifs, la toxine botulique s’avère un traitement long, inefficace et palliatif.

Le traitement par médication anticholinergiques reste quand à lui palliatif également. L’effet désiré reste environ 2 mois avec un retour de la force à la normale au bout de 3 mois. Le traitement est déconseillé.

Normaliser les patterns de mouvement :

La ruse sensorielle est en général utilisée spontanément par le sujet.  Un autre facteur qui pourrait participer à une amélioration des résultats lors de l’utilisation de la ruse sensorielle est la déviation de l’attention sur un objectif externe, ce qui facilite l’apprentissage d’habiletés motrices comme il a été décrit dans des techniques d’intégration du geste chez des sportifs.

En se basant dans l’idée que les représentations homunculaires dans les systèmes moteur et somesthésique primaires sont désorganisées plusieurs techniques ont été proposées dans la littérature :

  • Sensory Motor Retuning (SMR) : dans le SMR, une attelle immobilise un ou plusieurs doigts, permettant différentes combinaisons de mouvements des doigts sur l’instrument pendant des courts intervalles de temps. Une pratique du répertoire sans attelle est ajoutée afin de faciliter le transfert des exercices facilités dans un environnement réel. Le traitement se réalise pendant une période de 8 jours consécutifs .
  • Slow Down Exercise Therapy (SDE) : cette technique s’organise en 5 étapes :le patient choisit le passage de la partition qui est à l’origine du mouvement dystonique et il réduit la vitesse d’exécution jusqu’à disparition du mouvement dystonique (la vitesse d’exécution est enregistrée à l’aide d’un métronome). Le patient va répéter ce passage à la vitesse ralentie pendant 0.5h/jour pendant 2 semaines. Au bout de 2 semaines les patients sont capables d’augmenter la vitesse d’exécution de 10% à 20%.
  • Une combinaison de Thérapie par Contrainte Induite et Réentrainement du contrôle moteur : il s’agit d’une combinaison de SMR et de réentrainement moteur avec du SDE. Le musicien choisit une pièce de difficulté légère et une autre à difficulté modérée qui servent à évaluer l’évolution à des différents étapes du traitement pendant une période de 12 mois.

Quel est le pronostic ?


Actuellement un grand nombre de MD retournent sur scène ou retrouvent leur niveau technique d’origine. Malheureusement la résolution du trouble n’est pas accessible à tous.

L’efficacité des différents traitements n’est pas encore à ce jour de l’ordre de 100%. Les temps de rééducation restent très longs et un bon soutien psychologique et technique de la part du kinésithérapeute et médecin sont nécessaires afin d’obtenir les meilleurs résultats possibles.

Références


  • Amadio PC, Russotti GM. Evaluation and treatment of hand and wrist disorders in musicians. Hand Clin 1990 ;6 :405-16.
  • Chamagne Ph. Les crampes fonctionnelles ou dystonies de fonction chez les ecrivains et les musiciens. Annales de Chirurgie de la Main, 1986, 52, 148-152.
  • Jankovic J.; Brin. M F. Therapeutic uses of botulinum toxin (review article), The New England Journal of Medicine, April 25, 1991, v324 n17, p1186 (9).
  • Tubiana R., Chamagne Ph., Crampes professionnelles du membre supérieur, Annales de Chirurgie de la Main, 1983, 2, 2, 134-142.
  • Tubiana R. Les syndromes canalaires chez les musiciens instrumentistes. In : Les syndromes canalaires du membre supérieur. Vol 23 Supp 1 ; 2004
  • Wynn Parry CB The musician’s hand and arm pain. In : Winspur I, Wynn Parry CB, editors. The musician’s hand : a clinical guide. London: Martin Dunitz: 1998 p5-12
dr patrick houvet chirurgien du membre superieur et des nerfs peripheriques a paris 16

L’auteur : Docteur Patrick HOUVET

Le Docteur Patrick Houvet, chirurgien orthopédiste à Paris et en Île-de-France, est spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, ainsi qu’en chirurgie des nerfs périphériques.