Sélectionner une page

Anatomie et physiologie du nerf périphérique

Accueil » A propos » Comprendre les maladies des nerfs périphériques » Anatomie des nerfs » Anatomie et physiologie du nerf périphérique

Introduction


L’homéostasie (grec: homoios, similaire; histmi, faire en sorte de s’arrêter) correspond à la capacité d’un système à maintenir l’équilibre de son milieu intérieur, quelques soient les contraintes externes (Sunderland, 1951). En d’autres termes, l’homéostasie est la capacité physiologique et anatomique d’un organisme à se réguler lui-même suite à une perturbation soudaine de l’environnement interne ou externe, en analysant rapidement un ou plusieurs évènement(s) défavorables, de restaurer un état physiologique. Ces stimuli internes ou externes déclenchent des signaux électriques via des récepteurs sensoriels périphériques et centraux. Les impulsions en provenance des récepteurs sont véhiculées par des nerfs à la moelle épinière puis au cerveau où elles sont analysées, comparées, enregistrées et coordonnées par un processus appelé “intégration”. Une fois les informations afférentes reçues et déchiffrées, la moelle épinière et le cerveau transmettent des signaux efférents par voie nerveuse aux muscles et aux glandes.

            Les systèmes nerveux et endocrinien sont les deux principaux systèmes de régulation du corps, tous deux spécialisés, en apportant des réponses appropriées et opportunes aux stimuli internes ou externes. Le système nerveux, par l’utilisation d’une combinaison de signaux électriques et biochimiques (neuro-transmetteurs) est le plus rapide des deux; le système endocrinien dépend d’une ingénierie hormonale qui est plus lente. En règle générale, la croissance des organismes à long terme, l’activité métabolique et le système de reproduction sont contrôlés par le système endocrinien. Les tâches qui demandent une réaction rapide et immédiates telles qu’un mouvement et la régulation du système autonome sont contrôlées par le système nerveux. Bien qu’ils soient considérés comme deux systèmes biologiques distincts, on peut les considérer comme une entité fonctionnelle unique.

            Bien qu’il s’agisse d’un système unifié, le système nerveux est défini anatomiquement comme ayant une composante centrale et l’autre périphérique. Le système nerveux central (SNC) est composé par l’encéphale et la moelle épinière (névrax). Le SNP se compose de tous les tissus nerveux situés en dehors de la moelle épinière et du cerveau.

            Toute affection qui entrave ou bloque la transmission des données afférentes, efférentes et / ou autonomes sont regroupées sous le vocable de : neuropathies périphériques. Les neuropathies périphériques entraînent une perte de l’homéostasie. Une maladie neurologique ou un traumatisme nerveux spécifique conduit à une altération d’unité fonctionnelle du SNP, source de déficience (déficience – incapacité – handicap, Wood, 1981) dont le pronostic est corrélé à l’étiologie.

            Le SNP est souvent comparé de manière simpliste à une source d’énergie électrique telle un générateur, associé à un système de conduction (câblage), une synapse (connexion), un organe cible-effecteur (un appareil comme un aspirateur ou une ampoule électrique). À bien des égards, cette analogie est pertinente, mais notre système nerveux est soumis à un paramètre qu’un câblage électrique ignore : la mobilité. Lors de différents mouvements, le SNP est appelé à fonctionner alors qu’il peut être étiré, comprimé ou en mode stationnaire. L’observation d’un gymnaste en mouvement en est la meilleure preuve. Millesi et coll., ont mis en évidence que le nerf médian, dont on mesure la distance fosse axillaire – main, s’allonge de 20 % lorsque le couple coude-poignet passe d’une position fléchie à une extension complète (Millesi et al., 1990). La moelle épinière est de 5 à 9 cm plus longue en flexion du cou et du tronc, par rapport à une posture en extension. De plus, les nerfs sont capables de répartir les forces de compression qui leur sont appliquées, quelle soient extrinsèques (brassard à tension) ou intrinsèque (épicondyle médial de l’humérus / nerf ulnaire au sein du canal cubital).

            Les tissus du SNP peuvent être sub-divisés en éléments de conduction, et en structures de soutien. Les éléments de conduction sont :  les fibres nerveuses et les synapses. Les structures de soutien sont : la gaine des axones, la myéline, les cellules de Schwann, épinèvre et vaisseaux intrinsèques des nerfs.

            Le système nerveux est unique et singulier parmi l’ensemble des systèmes du corps, compte tenu de la grande complexité de ses fonctions : contrôle ; régulation ; décodage ; transmission ; et action. Il existe plus 100 milliards de cellules nerveuses, ou neurones, fonctionnellement et anatomiquement spécialisées afin de maintenir l’homéostasie. L’objet de ce chapitre est de présenter le cadre anatomique global du SNP, une analyse de ses fonctions, une description de ses différentes entités et sous-entités.

Anatomie fonctionnelle du système nerveux périphérique


Le SNP comprend 12 paires de nerfs crâniens et 31 paires de nerfs spinaux et leurs branches terminales. Les nerfs crâniens, les nerfs spinaux et leurs branches terminales sont appelés nerfs périphériques. Chaque nerf spinal est relié à la moelle épinière par une racine postérieure et une racine antérieure. Les deux racines se combinent dans le foramen intervertébral (foramen osseux) pour former un nerf spinal. Les racines postérieures contiennent les fibres des neurones sensitifs et les racines antérieures contiennent principalement les fibres en provenance des motoneurones (situés dans la corne antérieure de la moelle). Immédiatement après sa sortie du foramen intervertébral, le nerf se divise en deux rameaux : un rameau dorsal et un rameau ventral. Les rameaux dorsaux innervent généralement les muscles, la peau et les récepteurs sensoriels de la tête, du cou et du dos. Les rameaux ventraux s’unissent majoritairement pour former des plexus (en grec : plexi, tresser ou s’entrelacer). Les nerfs périphériques proximaux, également appelés troncs nerveux, se composent de fascicules nerveux, de tissu conjonctif et de vaisseaux sanguins. Ces fascicules contiennent les unités fonctionnelles des neurones, les fibres axonales.

            Les cellules nerveuses, ou neurones (en grec : neurone, nerf), sont des cellules spécialement adaptées en taille et en forme pour transmettre des impulsions électriques sur des distances relativement longues. Les neurones ont deux caractéristiques singulières : la conductivité (capacité de conduire un signal électrique) et l’excitabilité (capacité de générer et de répondre à des stimuli). La plupart des neurones se composent de trois parties : le corps cellulaire (péricarion), les dendrites (fibres de conduction afférentes) et l’axone (fibre de conduction efférente). Chacun de ces éléments est associé à des fonctions neuronales spécifiques.

 

Le corps cellulaire

            Le corps cellulaire, est également connu sous le nom de soma (en grec : soma, corps) ou pericaryon (en grec : peri, autour et karyon, noyau). Au microscope, il apparaît sous une forme d’étoile, ou arrondie, voir ovale ou en forme de pyramide. La forme est souvent corrélée à une fonction particulière. La caractéristique la plus frappante du corps cellulaire est le grand nombre de projections ou de processus qui transmettent ou reçoivent des signaux électriques en provenance d’autres cellules. Chaque corps cellulaire possède un gros noyau qui contient un nucléole ainsi que des organites responsables de sa croissance, de sa production et de sa reproduction. Ce sont principalement : le réticulum endoplasmique, les neurotubules, les neurofilaments, les corps Nissl, les lysosomes, les mitochondries, les neurotubules et l’appareil de Golgi. Les neurotubules et les neurofilaments sont des structures lipoprotéiques filiformes qui s’étendent dans tout le cytoplasme et les processus du neurone. Les neurotubules aident au transport intra-cellulaire des molécules chimiques et des protéines responsables de sa croissance, de sa réparation et de la conductivité. Les neurofilaments fournissent l’échafaudage ou endosquelette du neurone (Yamamoto & Hirano, 1985).

anatomie d un nerf chirurgien epaule main paris chirurgien nerfs paris maladie atteintes nerfs peripheriques docteur patrick houvet

Les dendrites

            Les dendrites et les axones sont les deux émanations qui s’étendent à partir du corps cellulaire. Les dendrites (grec: dendron, dendron qui veut dire arbre) sont pour la plupart de courtes branches filiformes qui conduisent l’influx nerveux vers le corps cellulaire. Les péricarions peuvent être hérisés de 1à 300 dendrites (Glees, 1942).

            La structure et la ramification des dendrites ainsi que l’ensemble des canaux ioniques permettent de conduire les potentiels d’action (Jordan, 2005). Les canaux ioniques sont des protéines transmembranaires sensibles aux différences de potentiel entre le milieu extra-cellulaire et intra-cellulaire tout au long de la fibre nerveuse. Ces canaux influencent fortement la façon dont la cellule nerveuse répond à l’entrée d’informations en provenance des autres cellules, même en cas de signaux faibles. Cette intégration s’effectue de manière “temporelle”, sommation des stimuli et aussi selon un mode “spatiale” avec l’agrégation des stimuli positif ou négatif (inhibiteur) (Ahern, 2004).

            Au commencement des études d’électro-physiologies, on considérait le dendrite comme une voie passive de transmission de l’influx nerveux. La théorie du câble passif permet de décrire une fibre nerveuse de calibre changeant le long de laquelle le potentiel d’action progresse jusqu’au corps cellulaire. Basé sur la théorie du câble passif, on considère que les changements de la morphologie dendritique modifient la différence de potentiel, donc l’amplitude du potentiel d’action, ce qui a une influence sur la fonction neuronale (Sunderland, 1951 ; Rall, 1998 ; Jack, 1975)

            Une caractéristique importante des dendrites permet par leurs conductances actives qui est voltage-dépendants de posséder la capacité de transmettre des potentiels d’action de manière rétrograde dans l’arbre dendritique. Cette conduction rétrograde, connue sous le nom de potentiels d’action de rétro-propagation, dépolarise l’arbre dendritique ce qui lui confère une modulation de la conduction synaptique.

 

Axone

            La plupart des corps cellulaires SNP ont un axone. L’axone est une fibre nerveuse qui provient du corps cellulaire et dont la longueur varie selon la cellule de 1 mm à plus de 1 m. Les axones, lorsqu’ils cheminent, à la périphérie mais aussi dans le SNC, sont le plus souvent regroupés en faisceaux, appelés fascicules. Les axones suivent un parcours ondulant dans les fascicules ce qui leurs confèrent une faculté d’allongement lors des différents mouvements articulaires. Un axone véhicule un potentiel d’action entre le corps cellulaire et un autre nerf, une glande, un récepteur ou une unité motrice (musculaire). L’axone provient d’une excroissance du soma neuronal en forme de cône. Un axone peut avoir des branches collatérales, qui émanent de l’axone principal. La terminaison des axones est appelée bouton synaptique. Une synapse (en grec : synapsis, connexion) est le lieu où les boutons synaptiques interagissent avec la membrane plasmatique d’un autre neurone (Tableau 1-1).

            Le cytoplasme d’un axone est appelé axoplasme et la membrane plasmique est appelée axolemme. L’axone peut être recouvert d’une couche lamellaire de myéline (grec : myelos, moelle), qui constitue une gaine externe appelée gaine de myéline. Une fibre nerveuse munit d’une gaine de myéline est appelée fibre myélinisée ; une fibre nerveuse dépourvue de gaine de myéline est appelée fibre non myélinisée. Les cellules de la gaine de myéline pour le système nerveux périphérique est appelée neurolemmocyte ou cellule de Schwann. La couche la plus interne de la cellule de Schwann est le neurolemme (en grec : neuro, nerf; lemme, enveloppe). La gaine de myéline est classiquement interrompue à intervalles réguliers par des dépressions appelés nœuds neuro-fibreux ou, plus familièrement, nœuds de Ranvier. La distance entre les nœuds est la distance inter-nodale. La myéline est absente à chaque nœud. L’enveloppe de myéline permet d’augmenter la vitesse de conduction de l’influx nerveux. Les nerfs myélinisés transmettent l’influx nerveux, à des vitesses comprises entre 3 m/s et 120 m/s ; les fibres non myélinisées confèrent des vitesses de 0,7 à 2,3 m/s (

axone epaule main paris chirurgien nerfs paris maladie atteintes nerfs peripheriques docteur patrick houvet

Endoneurium

            L’endonèvre est la couche la plus interne ou profonde de tissu conjonctif comprise dans un nerf périphérique. Elle forme une couche interstitielle autour de chaque fibre à l’extérieur du neurolemme. Cette matrice de tissu conjonctif, très cohésive contient également des capillaires, des mastocytes, des cellules de Schwann et des fibroblastes. Il n’existe aucune preuve de la présence de tissu lymphatique au sein de ce tissu. L’endonèvre a deux fonctions principales : maintenir la cohésion de l’espace endoneural et la pression du fluide extra-cellulaire. Au sein de cet espace endoneural, la pression est légèrement positive. Plusieurs recherches relatent une association entre la perturbation du tube endoneural et une désorganisation neuronale, y compris se traduisant par la formation de synapses aberrantes. Le collagène dans le tube endoneural est principalement constitué de fibres longitudinales, ce qui lui donne une certaine résistance aux forces de traction. (Tassler et al., 1994 ; Sunderland, & Bradley, 1949)

 

Périnèvre

            Chaque fascicule est entouré d’une gaine, le périnèvre. Le périnèvre a trois fonctions principales :

  • Protéger les tubes endoneuraux aux forces de traction et de compression qui lui sont appliquées par les mouvements du corps, grâce à ses fibres de collagène et d’élastine.
  • Protéger le tube endoneural des traumatismes externes.
  • Constitue une barrière contre différentes agressions chimiques (neurotoxique) via une barrière hémato-nerveuse.

En plus des fibres de collagène longitudinales, et contrairement à l’endonèvre, il existe une riche matrice extra-cellulaire composée de fibres de collagène circulaire et oblique qui protège les nerfs contre l’ensemble des mouvements subis : torsion, flexion et allongement. (Lundborg & Rydevick, 1973)

 

Épineurium

            L’épinèvre est un tissu conjonctif lâche, est subdivisé en deux couches, interne et externe. L’épinèvre interne constitue le tissu collagène de base qui sépare physiquement les fascicules. Il assure deux fonctions de base : la couche externe prodigue une protection du tronc nerveux contre les forces de compression et, plus important encore, de faciliter le glissement entre les fascicules. Au fur et à mesure que les nerfs s’étirent, les fascicules glissent au sein de la matrice de collagène. En tant que structure anisotrope, le volume (en coupe transversale) de l’épinèvre interne, est directement corrélé au diamètre du nerf. (Salvador-Sanz et al., 2005) Cet épinèvre est particulièrement présente au sein des segments nerveux qui sont confrontés à des forces de compression-glissement en regard de tunnels nerveux (tunnel cubital ; canal carpien) (Lundborg & Rydevick, 1973). L’épinèvre externe entoure le tronc nerveux et offre une protection contre les forces de compression et de traction. Les nerfs spinaux à leur portion toute initiale sont dépourvus d’épinèvre et de périnèvre, donc plus sensibles aux traumatismes par compression aigue ou chronique par rapport aux branches terminales. (Tassler et al., 1994)

 

Mésoneurium

            Le mésonèvre est le tissu le plus externe entourant les troncs nerveux périphériques. C’est un tissu lâche et aréolaire qui véhicule de nombreuses artères et veines qui alimentent le tissu nerveux : les vasa nervorum. La fonction du mésonèvre n’est pas entièrement comprise ; cependant, la surface glissante du mésonèvre limite les forces de frottement avec les mouvements longitudinal et latéral du tronc nerveux contre les structures avoisinantes. (Driscoll et al., 2002 ; Lundborg & Rydevick, 1973 ; Salvador-Sanz et al., 2005 ; Sarikcioglu et al., 2008)

mesoneurium epaule main paris chirurgien nerfs paris maladie atteintes nerfs peripheriques docteur patrick houvet

Composants vasculaires

            Bien que le SNC et le SNP ne représentent que 2 % de la masse corporelle, ils consomment 20 % de l’oxygène transporté par la circulation systémique. Contrairement à d’autres tissus tels que les os ou la peau, le tissu nerveux est particulièrement sensible aux modifications de la pression partielle en oxygène (PO2) (Powell, 1981). Le système de vascularisation des nerfs périphériques est connu sous le nom de vasa nervorum. L’apport sanguin aux nerfs et aux troncs nerveux est de nos jours bien compris. Il existe un réseau anastomotique très riche d’artères et de capillaires qui fournit un approvisionnement redondant de sang oxygéné. Les gros vaisseaux cheminent le long des troncs nerveux, constituant les pédicules vasculo-nerveux. À intervalles irréguliers, de petits vaisseaux s’échappe de l’artère et pénètrent dans la couche épineurale. Ils se divisent immédiatement en branches ascendantes et descendantes et s’anastomosent avec des vaisseaux dans le périnèvre et l’endonèvre. Une lésion des petits vaisseaux entraîne rarement une ischémie nerveuse (Dunn, 1972). En règle générale, une lésion des gros vaisseaux, telle que l’athérosclérose, précipite une ischémie nerveuse et une perte de conduction. En outre, la vascularisation extrinsèque des nerfs est conçue afin de permettre une souplesse des vaisseaux, qui accompagne les mouvements imprimés aux tronc nerveux et nerfs (Myers et al., 1981). Les vaisseaux nourriciers ont tendance à pénétrer dans le nerf en des lieux où il y a intrinsèquement peu de tension, assurant un flux sanguin ininterrompu (Dunn, 1972). L’apport sanguin intrinsèque ou intraneural est extrêmement redondant.

            La pression intra-tissulaire est légèrement positive à l’intérieur du fascicule par rapport à l’extérieur (+1,5 ± 0,7 mm Hg) (Hunter, 1991 ; Kwan et al, 1992). Des recherches ont montré qu’il existe une prolifération du contenu fasciculaire en cas de plaie du périnèvre. Une pression intra-fasciculaire, légèrement positive est rendu nécessaire afin de maintenir un environnement endoneural homéostatique, ce qui facilite le flux sanguin, la conduction nerveuse et le transport axoplasmique. Le maintien de la barrière hémato-nerveuse et la barrière de diffusion périneurale confère à l’environnement endoneural une certaine homéostasie. La barrière sélective limite le passage des toxines en provenance des vaisseaux sanguins épi-neuraux vers les vaisseaux endo-neuraux. Par exemple, les isotopes radioactifs et les colorants ne traversent pas cette barrière. Les molécules de glucose peuvent la franchir, contrairement aux molécules non-stéroïdiennes. Malgré cette sélectivité efficace, elle est facilement déjouée dans les suites d’un traumatisme nerveux aigue ou lors de micro-traumatismes répétés (Haftek, 1970).

 

Type de neurone : notion d’orientation directionnelle de l’information

            Les neurones SNP peuvent être définis par la direction-sens du transfert des potentiels d’action. Les neurones (axones) véhiculant les potentiels d’action des centres corticaux vers la périphérie, donc du SNC aux organes terminaux effecteurs (glandes, muscles, vaisseaux sanguins) sont appelés neurones efférents ou moteurs. Les neurones transportant le potentiel d’action de la périphérie vers les centres nerveux sont appelés neurones afférents ou sensitifs (sensoriels). Les corps cellulaires des neurones afférents sont situés dans des ganglions situés à proximité du SNC (ganglions rachidiens). Les extrémités distales de ces neurones sont généralement des récepteurs sensoriels et/ou sensitifs qui réagissent au touché, à la douleur, au tact profond, aux différences thermiques ; au sens positionnel et mouvement des articulations ; l’élongation musculaire et l’état de contraction des fibres musculaires. La plupart des inter-neurones sont situés dans le SNC, mais quelques-uns sont répartis au sein d’une interface : SNC / SNP. Ils véhiculent des potentiels d’action entre neurone sensoriels et moteurs, traitant ainsi l’information entrantes, la diffuse et la transmet aux centres supérieurs.

 

Biomécanique des nerfs périphériques

            Les nerfs périphériques sont des tissus particulièrement complexes qui non seulement conduisent des signaux électriques, mais communiquent chimiquement et électriquement avec d’autres nerfs, les muscles, des glandes et des récepteurs variés. Ils sont soumis selon les lieux de leur cheminement à des mouvements d’étirement, de torsion, de flexion-extension. Afin de permettre cette plasticité conformationnelle, les nerfs sont constitués d’un câblage sophistiqué fait de fibres nerveuses, rassemblées en fascicule entourés par différentes couches de tissu conjonctif. Ces éléments constitutifs des troncs nerveux sont attachés à la moelle épinière à leur émergence et présentent de nombreux points de ramification permettant aux fibres nerveuses de s’articuler avec différents organes cibles. Au cours de leur trajet, les troncs nerveux sont relativement libres et présentent de multiples surfaces de glissement, bien qu’il existe des points de fixation lâches comme l’ancrage des vaisseaux (vasa nervorum). C’est un point très important, car en physiologie ces lieux d’alimentation vasculaire présentent une certaine souplesse en accord avec les mouvements des membres et du tronc.  Cependant, le cheminement des troncs nerveux en regard des articulations est constitué de telle sorte qu’il persiste un changement de longueur des nerfs lors des mouvements. Lorsque la capacité des nerfs à s’étirer et à glisser librement est entravée par des adhérences aux tissus environnants, comme exemple après une réparation chirurgicale : fibrose intra-neurale secondaire à des traumatismes répétés, cela peut entrainer une augmentation de la tension exercée sur les nerfs, source de douleur entretenu par des phénomènes inflammatoires loco-régionaux (Fig. 1-6) (Hunter, 1991 ; Millesi, 1995).

            Les nerfs présentent une résistance considérable aux forces de traction qui peuvent lui être appliquées. De nombreuses études ont été mené afin de définir les limites à l’étirement avant que les troncs nerveux présentent des lésions structurelles, en particulier des vasa nervorum. Au cours de son étirement le rapport entre fibres nerveuses et tissu conjonctif évolue et change de conformité. Cependant, un étirement supérieur au condition physiologique altère les propriétés de conduction des fibres nerveuses et le flux vasculaire intra-neural (Lundborg, 1973 ; Dunn, 1991 ; Kwan, 1992). Cela aboutit à une rupture de l’intégrité de la fibre nerveuse (Haftek, 1970). L’élongation maximale d’un nerf périphérique type (limite d’élasticité) est de 20 %. Un allongement supérieur à 20 % par rapport à la longueur initiale entraîne une diminution de la perfusion, entrainant une migration des macrophages / monocytes dans le milieu extra-vasculaire (margination) conduisant à une fibrose intra-neurale et extra-neurale (Sunderland, 1949 ; Rydevik, 1990). Cette fibrose à pour conséquence une baisse de la capacité d’étirement des nerfs. En cas d’un traumatisme par traction violente, les fibres axonales rompent avant les tubes d’endonèvre et la périnèvre.

Afin d’améliorer les résultats d’une réparation nerveuse, il est fondamental d’apprécier la résilience mécanique des nerfs. Lorsqu’un nerf suturé est étiré, le périnèvre se resserre, la pression endo-neurale augmente et le flux vasculaire diminue. Ce dernier peut s’interrompre totalement. Chez le rat et de manière expérimentale, un allongement de 8 % altère le flux veineux. Au-delà de 8 % et jusqu’à 15 %, le flux artériolaire diminue, et au-delà il s’interrompt (Miyamoto, 1979). Lors d’agression nerveuse s’échelonnant sur un long terme, comme la prolifération tumorale d’un schwannome, il se constitue une néo-vascularisation collatérale évitant l’ischémie focalisée.

            La qualité des potentiels d’action est aussi influencée par la viscoélasticité des nerfs. Cette propriété est sous la dépendance de nombreux paramètres : histologique (rapport volumétrique fibres / tissu conjonctif) ; l’environnement métabolique, comme la présence de molécules neuro-toxiques au sein de la circulation systémique (plomb, agents de chimiothérapie, une glycémie très élevée). Mais il faut aussi prendre en compte : la pression relative intra-neurale au sein de l’espace péri-neural (Low, 1977) ; l’intégrité de l’épinèvre (Walbeehm, 2004) ; les différents conformations plexiques des fascicules, leur nombre, à un segment donné (Sunderland, 1961) ; la qualité moléculaire des tissus de soutient (collagène et élastine) (Rydevick, 1990 ; Miyamoto, 1979 ; Wall, 1992).

            Bien que la notion de la limite supérieure pour laquelle un nerf peut être étiré en toute sécurité soit une variable, l’étude des propriétés d’étirement dans des conditions physiologiques au cours des mouvements articulaires est limitée en raison du caractère anisotrope du nerf. Peu d’informations sont disponibles pour savoir si l’augmentation de la tension et de la compression nerveuses générées par la flexion, l’extension, la rotation et la distraction des membres est concentrée autour de l’articulation ou dissipée sur toute la longueur du nerf. La propriété anisotrope d’un tronc nerveux est souvent appréciée selon la quantité de tissu interstitiel présent à un segment donné, cependant peu d’étude font état des variations volumétriques de ce même tissu le long d’un tronc nerveux. Par contre, des variations du nombre de fascicules ont été observées au long d’un nerf chez l’Homme. Une augmentation du nombre de fascicule confèrerait une qualité biomécanique protectrice des nerfs en regard des points de pivot articulaire (Sunderland, 1949 ; Sunderland, 1961).

biomecanique des nerfs peripheriques epaule main paris chirurgien nerfs paris maladie atteintes nerfs peripheriques docteur patrick houvet

Références


  • Masson N. Herzberg G. Anatomie chirurgicale et microchirurgicale du nerf périphérique. Lésions traumatiques du nerf périphérique. 2007 Masson Elsevier Ed.
  • MacKinnon SE, Dellon AL. Surgery of the peripheral nerve. New York: 1988. Thieme
  • Seddon H. Surgical disorders of the peripheral nerves. London: 1975 Churchill Livingston
  • Sunderland S. Nerves and nerves injuries. Edinburgh: 1978. Churchill Livingston
dr patrick houvet chirurgien du membre superieur et des nerfs peripheriques a paris 16

L’auteur : Docteur Patrick HOUVET

Le Docteur Patrick Houvet, chirurgien orthopédiste à Paris et en Île-de-France, est spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, ainsi qu’en chirurgie des nerfs périphériques.