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Principes et intérêt des neurotisations

Introduction


La neurotisation, ou transfert nerveux, est une méthode de réanimation d’un territoire sensitif ou moteur par anastomose directe d’une branche ou d’un fascicule nerveux de voisinage.        Aux USA, Tuttle fut le premier à tenter une neurotisation extraplexuelle en utilisant la 4e racine cervicale. En 1912, il proposa également l’utilisation du nerf accessoire (XI). En 1963, Seddon et Yeoman introduisent la neurotisation par les nerfs intercostaux. En Europe, Narakas commence ses travaux sur les neurotisations au début des années 70. La technique de neurotisation, ou transfert nerveux, connaît alors un véritable essor. Les chirurgiens japonais Kotani, Tsuyama et Hara modifient et développent le transfert des nerfs intercostaux.  Gu, à Shangaï, utilise non seulement le nerf phrénique dans plus de 160 cas, mais aussi la racine C7 controlatérale.

« Opérer le ou les muscles déficitaires pour rétablir une fonction ». Ce concept novateur, introduit dans les années 1990, vient modifier la démarche thérapeutique antérieure qui s’appuyait principalement sur des réparations anatomiques au niveau radiculaire et/ou tronculaire. Oberlin utilise le transfert de fascicules nerveux intègres du nerf ulnaire pour neurotiser le nerf moteur du muscle biceps dans les paralysies C5-C6. Kawaï et Nath transfèrent quant à eux un ou plusieurs fascicules du nerf médian sur le contingent moteur du nerf musculocutané. Mac Kinnon décrit la neurotisation du nerf supra-scapulaire par le spional accessoire par voie postérieure.

Anatomie fonctionnelle du système nerveux périphérique


Cette technique implique donc le sacrifice de tout ou partie du nerf donneur n’entraînant que des séquelles minimales pour le patient. On prelevera donc soit un seul fascicule d’un tronc nerveux, soit une seule branche musculaire lorsque plusieurs branches innervent le même muscle. C’est un peu « deshabiller Pierre pour habiller Paul » mais sans laisser Pierre tout nu. Le nerf sélectionné est déconnecté de son territoire d’innervation originel puis suturé au moignon d’aval du nerf receveur blessé, lui fournissant dès lors des bourgeons de repousse axonale. Dans l’idéal cette anastomose est réalisée au plus près de la plaque motrice musculaire, afin de diminuer le temps de dénervation musculaire : plus la distance à parcourir est courte plus la réinnervation se fera rapidement.

L’anastomose entre donneur et receveur se fait préférentiellement par une suture directe. Une autogreffe nerveuse peut être interposée, mais elle va rajouter un front de suture supplémentaire préjudiciable à la repousse axonale. Dans les cas de transfert d’un ou plusieurs fascicules moteurs, la sélection est réalisée par électrostimulation d’intensité décroissante. Cette détection permet de s’assurer le prélèvement d’un contingent moteur, innervant le territoire musculaire souhaité.

Initialement décrite dans les cas d’avulsion radiculaires, cette technique peut venir en complément de greffes nerveuses réalisées en amont, voire même une technique privilégiée aux greffes nerveuses interposées.

Le principe de la neurotisation « fasciculaire » est séduisant, en raison de ses nombreux avantages :

  • Un seul front de suture pour la repousse nerveuse, pas de greffe intercalaire
    (Le nerf donneur étant disséqué le plus distalement possible afin d’éviter l’interposition d’une autogreffe nerveuse)
  • Possibilité de « ponter » des lésions étagées (sous-estimées lors des greffes nerveuses au niveau radiculaire ou tronculaire)
  • Restitution d’une fonction motrice précoce
  • Nerf donneur d’un muscle synergique de la fonction à restaurer (Intégration corticale facilitée lors de la rééducation)
  • Possibilité d’orienter les greffes à partir de moignons radiculaires vers d’autres cibles

Cependant elle a des limites :

  • Sacrifice d’un ou plusieurs fascicules d’un nerf sain
  • Délai limite de réinnervation du muscle qui est de l’ordre de 15 à 18 mois

Anatomiquement, deux groupes de neurotisations peuvent être identifiés pour le plexus brachial. D’une part les neurotisations extra-plexuelles et d’autre part les neurotisations intra-plexuelles.

Le choix du nerf donneur reste actuellement le point crucial. Il dépendra de l’étendue de la paralysie, du nombre de fonctions à restaurer, de l’habitude du chirurgien et de son école. En Europe les transferts de la racine C7 controlatérale et du nerf phrénique ont été quasiment abandonnés en raison des séquelles potentielles liées au prélèvement. La proximité du moignon distal du nerf donneur par rapport à la plaque motrice du muscle cible est également un élément important pour la décision. De nombreux travaux anatomiques ont également quantifiés le nombre de fibres axonales disponibles pour chacun de ces greffons nerveux, afin de s’adapter au mieux au nerf receveur cible.

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Références


  • Narakas, A. O. Thoughts on neurotization or nerve transfers in irreparable nerve lesions. Clin. Plast. Surg. 1984; 11: 153.
  • Nath RK, Mackinnon SE. Nerve transfers in the upper extremity. Hand Clin. 2000; 16:131–139.
  • Nath R., Rahul K., Lyons A., Bietz G. Physiological and clinical advantages of median nerve fascicle transfer to the musculocutaneous nerve following brachial plexus root avulsion injury. J Neurosurg. 2006 ; 105:830–834.
  • Oberlin C., Durand S., Belheyar Z., Shafi M., David E., Asfazadourian H. Les transferts nerveux dans les paralysies du plexus brachial. Chirurgie de la main. 2009 ; 28 : 1–9.
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L’auteur : Docteur Patrick HOUVET

Le Docteur Patrick Houvet, chirurgien orthopédiste à Paris et en Île-de-France, est spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, ainsi qu’en chirurgie des nerfs périphériques.