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Névromes et prise charge de la douleur post traumatique

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Le névrome douloureux est une pathologie fréquemment rencontrée dans le quotidien des rééducateurs et des chirurgiens. Il peut concerner une simple cicatrice post-opératoire dont le contact va être douloureux pendant plusieurs semaines et dont les symptômes s’estomperont spontanément au fil du temps. Il peut aussi concerner un nerf de taille plus importante, avec des douleurs plus intenses et occasionnant un retentissement fonctionnel majeur.

Qu’est-ce qu’un névrome ?


Toute lésion d’un nerf périphérique avec axonotmesis ou neurotmesis de Seddon est suivie du phénomène de dégénérescence Wallerienne distale et rétrograde. Une réparation « imparfaite » entraîne une absence de repousse d’une partie des fibres proximales qui n’ont pas trouvé cible avec formation d’un névrome. Un névrome est une prolifération non néoplasique de tissu nerveux composée de repousses axonales désorganisées et d’une variété de cellules. Histologiquement, cet amas désorganisé et non encapsulé est composé d’axones, de cellules de Schwann de cellules endoneurales et périneurales au sein d’une matrice collagène dense et entouré de fibroblastes. Quant bout distal, dépourvu de corps cellulaire, il ne peut régénérer et aboutit à la formation d’un gliome plus etit que le névrome et sans fibres nerveuses. Histologiquement rien ne différencie les névromes douloureux (20 à 30 % des cas) des autres si ce n’est présence de myofibroblastes. Seuls les névromes sur nerfs sensitifs ou mixtes peuvent devenir douloureux.

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Sunderland puis Herndon ont classé les névromes en névromes en continuité, névromes sur nerf totalement sectionné et névromes sur moignon d’amputation.

  • Névromes en continuité à périnèvre intact ou pseudonévromes : un traumatisme local répété entraîne une augmentation locale du tissu interstitiel avec compression sans prolifération nerveuse. Par exemple, le nerf digital ulnaire du pouce chez le joueur de bowling, le nerf interosseux postérieur paresthésique.
  • Névromes en continuité à périnèvre partiellement lésé ou névrome latéraux : ils surviennent après une laie partielle d’un nerf facile à traiter en urgence mais difficile à explorer secondairement, une intraneurodissection microchirurgicale risquant de favoriser la formation de fibrose et de blesser les fibres intactes.
  • Névrome surf nerf sectionné non réparé : la section nerveuse aboutit invariablement à la formation d’un névrome sur le bout proximal rétracté. C’est la situation la plus fréquente pour le chirurgien. La taille du névrome sera proportionnelle au calibre du nerf et au siège proximal de la section (forte capacité de repousse nerveuse à partir du corps cellulaire). La perte de substance sera fonction de la rétraction les deux extrémités et du délai écoulé.
  • Névrome sur moignon d’amputation : ce cas est tres particulier car la repousse nerveuse est impossible puisque le bout d’aval n’existe plus, le névrome est piégé dans la cicatrice, et qu’il est soumis en permanence aux contacts.

Quels sont les signes cliniques ?


On retrouve facilement dans les antécédents un traumatisme nerveux (plaie ou contusion) ou une amputation.

La palpation révèle une tuméfaction libre et mobile particulièrement douloureuse qui signe le diagnostic. Celui-ci est plus difficile devant un névrome diffus piégé une cicatrice ou en face d’un névrome intracutané.

 

Typiquement « le névrome seul donne une douleur par excès de nociception » avec un point douloureux localisé précis, déclenché par la pression et la percussion (signe de Tinel ou syndrome irritatif local). L’infiltration d’une anesthesique local fait disparaître la douleur.

Ailleurs, le tableau clinique est très différent surtout si la douleur évolue depuis plus de trois mois. En plus la douleur, le retentissement sur la personnalité du patient et sur sa vie domine le tableau. Des signes évocateurs d’une douleur neuropathique doivent alors être recherchés, car ils ne sont pas toujours mis en avant par le patient.

Plusieurs situations constituent des pièges diagnostiques :

  • Une repousse après réparation nerveuse s’accompagne de dysesthésies et de paresthésies parfois très désagréables.
  • Un moignon douloureux n’est pas synonyme de névrome. L’examen attentif permet d’éliminer une esquille osseuse ou un séquestre, un corps étranger, un kyste épidermoïde, un résidu unguéal.
  • Une compression nerveuse proximale (nerf médian au canal carpien, nerf ulnaire au coude…) est systématiquement recherchée en particulier devant un moignon ou une cicatrice qui devient douloureux après un intervalle libre de plusieurs années.

Quels sont les examens complémentaires utiles ?


L’échographie retrouve soit un névrome en fuseau avec un élargissement focal, un névrome terminal qui se termine en « bulbe d’oignon »

L’IRM retrouve une masse en hyposignal T1, en hypersignal T2 et se réhaussant après une injection de Gadoliniulm.

L’électromyogramme (EMG) permet de retrouver une compression nerveuse, une section nerveuse ou une compression et de suivre une repousse.

La scintigraphie au TC99 est utile au diagnostic de syndrome régional douloureux complexe.

Quels sont les traitements possibles ?


La prévention est un élément clé.

Un parage soigneux évite la formation d’un bloc fibreux autour du nerf et un dessin pré-opératoire de l’incision permettra de décaler celle-ci par rapport au trajet nerf afin d’éviter de le piéger dans la cicatrice.

La connaissance de l’anatomie chirurgicale et des nerfs de voisinage doit être maitrisée.

La suture primaire en urgence sous microscope de toute plaie nerveuse et artérielle est la meilleure façon d’obtenir une repousse nerveuse de qualité.

Les amputations digitales distales bénéficient si possible d’une réplantation avec suture nerveuse microchirurgicale. Si les conditions d’une réimplantation staisfaisante ne sont pas réunis, la chirurgie ne doit pas être tentée pour éviter ces phénomenes douloureux pire que la perte du fragment. Un lambeau local sera préferé. Le but est d’avancer une peau sensible et épaisse dans la zone de prise alors que l’extrémité nerveuse et la cicatrice sont transposées en dorsal loin la zone d’appui.

 

Le traitement médical est fondamental. Les antalgiques de groupe 1 et 2, les morphi,niques doivent être utilisés et prescrits en accord avec l’anesthesiste et/ou le médecin de la douleur.

Les douleurs neuropathiques ne réagissent pas aux antalgiques. On a recours aux antidépresseurs tricycliques le fond douloureux chronique et aux antiépileptiques pour les décharges fulgurantes avec une efficacité partielle et des effets secondaires très gênants.

 

La physiothérapie, la kinésithérapie, l’ergothérapie doivent être associées :

  • La désensibilisation a pour objectif augmenter graduellement la tolérance du patient au contact. Il doit apprendre à filtrer et à éliminer les nformations douloureuses au profit des information sensitives normales. Toutes les cicatrices et tous les moignons doivent bénéficier de massages profonds, percussions et martelages par le patient lui-même.
  • Des séances de physiothérapie par ionisation et ultra-sons sont très efficaces sur les cicatrices douloureuses et/ou indurées.
  • La compression réalisée par l’intermédiaire d’un doigtier ou d’un gant améliore les cicatrices. Elle diminue aussi la douleur et permet de débute la kinésithérapie plus tôt.
  • La neurostimulation transcutanée (TENS) est indiquée en cas de douleurs neuropathiques et pratiquée sur une peau saine. Elle consiste à recevoir des impulsions électriques régulières de faible intensité par un patch appliqué localement. Après une période de stimulation test et d’apprentissage, l’appareil est prescrit au patient peut l’utiliser de façon autonome.

 

Le traitement chirurgical doit être proposé avec précaution. En clair, l’indication chirurgicale sur un névrome douloureux chronique ne peut être posée que dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire ou le traitement chirurgical n’est qu’un aspect du projet thérapeutique.

Il faut clairement exposer le caractère imprévisible des résultats et le risque d’aggravation des douleurs.

  • Traitement chirurgical des névromes d’un moignon :
    • Tant que le corps cellulaire reste actif la repousse des axones la formation d’un névrome est inéluctable pendant plusieurs années.
    • Plusieurs techniques ont été proposées comme la coagulation physique (par le froid, le chaud, l’électricité, la radioactivité, le laser…) la coagulation chimique (alcool, acide osmique), la coagulation chimique (alcool, acide osmique, acide icide chromique, acide picrique, violet de genti chromique, acide picrique, violet de gentiane). Ou bien encore, l’écrasement, la section nerveuse étagée, la ligature, la fermeture épineurale, etc…
    • La résection nerveuse n’a pas pour objectif d’empêcher la formation du névrome mais de le déplacer à distance de la zone d’appui. Les moignons sur P3 et P2 en sont la meilleure indication mais à partir de PI, il faut la rejeter, car on se rapproche dangereusement de la bifurcatication digitale.
    • L’implantation musculaire a pour de placer l’extrémité recoupée du nerf dans un tissu sain et d’en limiter la taille. L’enfouissement musculaire réduit la taille du névrome et donne des résultats cliniques variés. Il convient de choisir un muscle volumineux pour le mettre à l’abri des chocs et à faible course musculaire pour éviter la traction.
    • L’enfouissement intra-osseux a pour objectif de protéger le névrome et de limiter sa croissance par implantation dans un canal médullaire avec un orifice large et oblique situé loin d’une articulation.
    • Les lambeaux sur moignon d’amputation ont pour objectif de réaliser un moignon sensible, bien matelassé au niveau de la prise, avec des extrémités nerveuses reportées en dorsal à distance de la zone appui. Au mieux réalisée en urgence, cette technique peut l’être secondairement.
  • Traitement chirurgical des névromes d’un nerf totalement sectionné :
    • Pour les gros troncs nerveux, la réparation microchirurgicale des gros troncs nerveux sectionnés est nécessaire afin de rétablir la fonction nerveuse et d’eviter la fuite d’axones. Si la perte de substance est trop importante, une autogreffe nerveuse ou l’utilisation d’un endotube permettent de combler la perte de substance au prix de deux lignes de suture.
    • Pour les petits nerfs sensitifs de la main un rétablissement de la continuité est parfois impossible. On peut alors soit les avulser en amont, soit les enfouir, soit les encapsuler dans une DMI adequat.
  • Traitement chirurgical des névromes en continuité :
    • Au cours de l’intervention, le choix entre une neurolyse simple, une endoneurolyse, une résection-suture, une résection-greffe est un exercice chirurgical difficile et unique.
  • Traitement chirurgical des névromes intracutanés :
    • Les névromes intracutanés seront traités par résection-suture de la cicatrice suivie de désensibilisation.

Quel est le pronostic ?


La prévention reste primordiale par une bonne connaissance de l’anatomie locale.

Il n’y a pas de traitement miracle et l’évolution est tres variable d’un patient a l’autre.

Il est illusoire de vouloir proposer une technique universelle pour tous les névromes douloureux.

Références


  • Dap F. Les névromes douloureux au poignet et à la main. Expansion Scientifique Publication. Cahier d’enseignement de la société française de chirurgie de la main 1997 ; 9,
  • Dellon AL, Mackinnon SE. Surgery of the Peripheral Nerve. Thieme Medical Publishers Inc, New York, 1988.
  • Foucher G, Gréant P, Sammut D, Buch N. Névrites et névromes branches sensitives du nerf radial ; à propos de quarante-quatre cas. Ann Chir Main 1991 ; 10 : 108-112.
  • Foucher G. Le névrome douloureux. In : Tubiana R., Traité de chirurgie de la main. Masson, Paris, 1991, t.4,769-780.
  • Gorkirsch K, Boese-Landraf J., Vaubel E. Treatment and prevention of amputation neuromas in hand surgery. J Plast Reconstr Surg 1984 ; 2 :293-296.
  • Tupper JW, Booth DM. Treatment of painful neuromas of sensory nerves in the hand:a comparison of traditional and newer methods. J. Hand Surg 1976,1:144-51.
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L’auteur : Docteur Patrick HOUVET

Le Docteur Patrick Houvet, chirurgien orthopédiste à Paris et en Île-de-France, est spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, ainsi qu’en chirurgie des nerfs périphériques.