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La compression du nerf supra-scapulaire a l’épaule

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La névralgie du nerf supra-scapulaire est évoquée dés 1936 par Thomas. La description précise du mécanisme étiologique et des premières interventions de neurolyse date des années 70 puis par arthroscopie en 2010. Au total, environ 20% des neuropathies sus scapulaires seront opérés, 80% siègeant à l’incisura scapulae. Les résultats sont bons dans 80% à 90% des cas selon les séries.

Qu’est ce qu’une compression du nerf supra-scapulaire ?


Le nerf supra-scapulaire est un nerf périphérique mixte sensitivo-moteur, formé de fibres issues de C5 et C6 à la face postérieure du tronc primaire supérieur. Depuis son origine au plexus brachial, le nerf traverse le triangle cervical postérieur pour se placer a la face profonde du trapèze. Il va rencontrer un premier tunnel : l’échancrure coracoïdienne ou canal sus-scapulaire, taillée en « U » le plus souvent et transformée en véritable foramen par le ligament scapulaire transverse. A ce niveau les vaisseaux sus-claviculaires pénétrent dans la fosse suprascapulaire appliqués à la face supérieure du ligament scapulaire transverse alors que le nerf emprunte le canal sous ce ligament. Il semble exister des grandes variations anatomiques au niveau de cette échancrure coracoïdienne. Un centimètre après son émergence du canal, le nerf donne deux branches motrice destinées au supra-épineux et donne des branches sensitives à la face postérieure des structures capsulo-ligamentaires gléno-humérales et acromio-claviculaires.

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Le nerf supra-scapulaire va alors contourner le bord latéral de l’épine de l’omoplate en bas et en-dehors puis il passe à travers un deuxième défilé appelé échancrure spino-glénoïdienne avec ou non la présence d’un ligament spino-glénoïdien. Le nerf pénètre alors dans la fosse infra épineuse donnant deux à quatre branches motrices au muscle infra épineux et des rameaux sensitifs à l’omoplate.

Plusieurs éléments mécaniques peuvent être responsables du nerf : la compression au niveau des deux tunnels et l’étirement. Ces conditions pathologiques entrainent une ischémie, un oedeme et des troubles de la conduction nerveuse. L’importance des lésions est proportionnelle à l’intensité et à la durée de l’évolution pouvant aller jusqu’à la paralysie.

Des lésions ont été décrites dans divers conditions allant du surmenage sportif ou professionnel, post-traumatique (fracture de la scapula, de la clavicule, luxation etc..) ou masse pathologique. Le siège anatomique est variable :

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  • Quelques centimètres avant son passage dans l’incisure scapulaire, le nerf supra-scapulaire donne une branche sensitive articulaire supérieure, qui va ensuite se diviser en deux rameaux, l’un à destination de la bourse sous-acromiale et la partie postérieure de la capsule de l’articulation acromio-claviculaire, l’autre vers le ligament coraco-huméral et la région capsulaire adjacente. Il peut être responsable de douleurs articulaires régionales.
  • Le premier syndrome canalaire se situe au niveau de l’échancrure coracoïdienne et peut donc provoquer une atteinte sur les deux muscles : le supra et l’infra-épineux. Le ligament scapulaire transverse ou ligament coracoïdien ferme l’échancrure et limite la mobilité du nerf. Il est mis en tension par le muscle supra-scapulaire en retropulsion et hyper-abduction. Albritton a montré que la rétraction de ce muscle comme dans une rupture de coiffe augmente la tension du nerf en diminuant l’angle du nerf moteur.
  • Le second syndrome canalaire se situe au niveau de l’échancrure spino-glénoïdienne où seul l’infra-epineux pourra être lésé.

Pour l’étirement, le mouvement du nerf se réalise surtout au niveau du cou, le segment sur la scapula reste globalement moins mobile :

  • au niveau du cou, la flexion cervicale et l’inclinaison controlatérale du cou crée la mise en tension.
  • au niveau de la scapula, l’abduction et l’abaissement de la scapula mobilisent la portion proximale du nerf qui est mobile, alors que la partie distale (à partir de l’échancrure coracoïdienne) du nerf est globalement fixe. L’abduction, l’abaissement, la bascule postérieure et la sonnette médiale de la scapula créent la tension.
  • au niveau de l’articulation gléno-humérale : c’est surtout l’adduction et la rotation médiale de l’articulation gléno-humérale qui provoquent la compression au niveau de ce canal.

Les étiologies sont multiples :

  • Il peut s’agir d’un kyste synovial ou « synovial-cyst ». Les kystes synoviaux naissent dans le labrum posterieur et peuvent comprimer le nerf au niveau de l’échancrure spino-glénoïdienne.
  • Une lésion d’instabilité postérieure de la tête humérale (fréquent chez les nageurs ou les lanceurs) peut traumatiser le nerf.
  • Un étirement entre la partie mobile et la partie fixe (la lésion est donc plus fréquente dans l’échancrure coracoïdienne) est souvent responsable de l’atteinte. En volley, lors du smash, le mouvement en anté-pulsion-abduction-rotation interne va étirer le nerf supra-scapulaire ou lors du revers lifté au tennis. Au base-ball, une étude effectuée par Steven en 1990 a montré, dans un certain nombre de cas, une diminution de la vitesse de conduction dans le suivi EMG au cours de la saison sportive.
  • S’il existe une rupture large de la coiffe des rotateurs la rétraction progressive de la coiffe crée une tension excessive sur le nerf. La réparation pourrait être nécessaire pour rééquilibrer les forces sur le nerf.

Quels sont les signes cliniques de cette paralysie de l’épaule ?


Le diagnostic est souvent difficile : il faudra l’évoquer devant des sportifs avec des lésions de la coiffe des rotateurs ou des sujets ayant des gestes répétitifs en abduction antépulsion de la gléno-humérale.

Classiquement, il s’agit d’un jeune adulte avec une atteinte du membre supérieur dominant. L’interrogatoire peut retrouver un traumatisme avéré mais la plupart du temps la mise en place est insidieuse. La douleur est profonde, postérieure, le plus souvent en arrière de l’épaule irradiante à la face postéro-externe du bras, parfois ascendante aux cervicales. Une recrudescence nocturne est fréquente mais non spécifique. La gêne est souvent modérée et il peut exister une faiblesse en rotation externe de l’articulation gléno-humérale.

On retrouve une douleur en abduction, abaissement de l’omoplate, alors que le bras est en antépulsion et adduction horizontale. Le patient se plaint d’une baisse de performance, d’une certaine maladresse. Il faut rechercher une amyotrophie en premier lieu sur les muscles infra et supra-épineux. Lorsque l’amyotrophie n’est pas encore installée, la palpation de l’échancrure coracoïdienne retrouve une douleur à la partie interne de la portion horizontale de la coracoïde, en arrière de la clavicule (à mi-distance entre le bord médial de la scapula et l’acromion et à deux doigts au-dessus de l’épine de l’omoplate). `

Plusieurs tests ont été décrits :

  • Cross adduction test », ou test d’adduction horizontale met sous tension le ligament transverse supérieur et exacerbe la douleur. Le test est positif si la douleur est bien située en arrière de la clavicule et non sur l’articulation acromio-claviculaire. Le test est complètement passif et peut être réalisé en coucher dorsal pour supprimer la pesanteur si le sujet ne se relache pas.
  • Le testing de la force musculaire retrouve le plus souvent un déficit musculaire de la rotation externe :
    • coude au corps, on demande une rotation latérale contre résistance.
    • test de Patte en abduction anatomique.
    • il faudra rechercher des rétractions sur les muscles qui ferment l’angle omo-huméral (grand rond et grand dorsal et subscapulaire).
    • on recherchera toute dysfonction de l’articulation acromio-claviculaire et gléno-humérale et, surtout, on pratiquera des tests d’instabilité postérieure de l’articulation gléno-humérale. Les lésions du labrum peuvent être associées.

Quels sont les examens complémentaires nécessaires ?


L’EMG est le test fondamental mais il a été très critiqué en décrivant des faux négatifs. Il dépend largement de la technique et de l’habitude de l’opérateur…Les perturbations électriques s’observent après la 3e semaine d’évolution lésionnelle : fibrillations, activité polyphasique, diminution d’amplitude des potentiels évoqués.

Les radiographies standards de l’épaule sont normales.

L’échographie peut retrouver un kyste ou une masse loco-régionale compressive. Le muscle dénervé présente une échostructure caractéristique.

L’IRM est l’examen le plus performant. On retrouvera : l’œdème musculaire (séquences en T2) qui apparaît précocement, dans le muscle supra-épineux ou infra-epineux, des kystes synoviaux ou des nodules des calcifications. La paroi du kyste se réhausse apres injection de Gadolinium. Les stigmates de la dénervation musculaire se traduisent par une diminution de volume musculaire, une infiltration graisseuse et une hyper intensité homogène en T2.

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L’arthroscanner permet de valider le passage liquidien a travers le labrum pathologique vers un kyste synovial mais réclame un cliché tres tardif.

Quelles sont les possibilités de traitement ?


Les deux techniques donnent d’excellents résultats avec des suites opératoires plus simples pour la technique arthroscopique. Les résultats de la littérature sont excellents si

Les indications sont bien posées. Les patients récupèrent progressivement leur force musculaire même dans certains cas chroniques opérés tardivement. L’indication chirurgicale a également une remarquable efficacité sur le syndrome douloureux provoqué par cette pathologie neurogène.

La rééducation post opératoire est très facile. Les amplitudes articulaires sont exceptionnellement limitées par l’intervention, d’autant que la rééducation est commencée dès le post opératoire immédiat. La rééducation va accompagner la récupération de la force musculaire des muscles supra et infra épineux. Elle va, par ailleurs, s’attacher à rendre une bonne cinétique de l’épaule, une bonne proprioception. En fin de rééducation, il faudra faire un programme spécifique de geste de réhabilitation au geste de l’armé.

 

TT fonctionnel :

– Au stade aigu : il faut mettre le patient au repos. La corticothérapie per os est également un excellent traitement dans ces phases de neuropathies aigües. Le traitement doit être poursuivi 5 à 6 jours. En l’absence de récupération après 3 semaines, il est possible de réaliser une infiltration d’un dérivé cortisoné sous contrôle radiographique dans l’échancrure coracoïdienne et/ou dans l’échancrure spinoglénoïdienne. En cas de récupération, la rééducation cherche à retrouver très progressivement la force musculaire, une bonne cinétique de l’épaule sans oublier la rééducation proprioceptive et un programme spécifique de réadaptation au geste de l’armé.

– Au stade chronique : le traitement associe le repos, les anti-inflammatoires par voie orale et en cas de non récupération après 3 semaines, une infiltration d’un dérivé cortisoné sous contrôle radiographique comme au stade aigu. Il convient en tout premier lieu de supprimer le surmenage articulaire de l’épaule, en particulier la station en élévation prolongée. Le traitement comprend la réharmonisation de l’épaule et des muscles de la ceinture scapulaire, la mobilisation du nerf par rapport aux éléments du tunnel et l’inverse :

  • Mobilisation de la scapula pour améliorer la vascularisation dans les zones d’accroche, notamment dans le sens vertical en haut et en bas, en rotation autour des axes antéro-postérieurs pour les sonnettes internes ou latérales, et autour d’un axe frontal pour les mouvements de bascules antérieure et postérieure. Contracté-relaché des muscles de la coiffe des rotateurs, des scalènes et élévateurs de la scapula et du trapèze.
  • Mobilisation de l’interface nerf. On mobilise la scapula/nerf en abduction-adduction par la main proximale ou abaissement-élévation ou bascules antérieure et postérieure.

Conseils dans la pratique sportive :

  • Modification de la gestuelle, en évitant, à l’entraînement, les répétitions de smash croisé ou d’adduction forcée, sur une position de flexion-inclinaison opposée de tête qui sont traumatisantes pour le nerf et de rechercher l’élévation et la bascule antérieure de l’omoplate.
  • Renforcement des muscles fixateurs de l’omoplate par un renforcement musculaire régional et des muscles de la coiffe des rotateurs et par des rotations latérales coude au corps.

 

TT chirurgical :

Il est réservé aux formes rebelles au traitement médical, en l’absence de récupération après 3 mois d’un traitement médical bien conduit. La prise en charge chirurgicale varie en fonction de l’étiologie et de la localisation de lésion.

  • Dans le cas d’une lésion proximale au niveau de l’échancrure, en l’absence de masse compressive, le traitement consiste à sectionner le ligament scapulaire transverse pour réaliser une neurolyse. Cette intervention peut se réaliser soit à ciel ouvert, par voie posterieure, dans l’axe de l’epine de la scapula. La courte voie postérieure transtrapézienne décrite par Ficat et Mansat en 1967 reste la référence, reprise et détaillé par Bouchet. Elle peut aussi être réalisée par arthroscopie soit isolée ou bien associée à la réparation de la coiffe comme l’a proposé Lafosse.
  • Dans le cas d’une lésion située dans le canal spino-glénoidien, la lésion isolée du ligament transverse ne produira aucun effet. Il faut réaliser un abord par deux voies combinées, supérieure et inférieure.
  • Lorsqu’il existe un élément compressif identifié et en particulier un kyste arthrosynovial, plusieurs possibilités techniques ont été decrites :
    • La ponction sous scanner est difficile car le liquide est tres visqueux et difficile a aspirer. La recurence est habituelle puisque la cause n’a pas été traitée.
    • Le traitement chirurgical peut se faire a ciel ouvert ou par arthroscopie. L’arthroscopie met en evidence les lésions cartilagineuses et du labrum a l’origine ; le débridement et la résection permet de traiter definitivement le probleme.

Quel est le pronostic ?


Le succès de la prise en charge fonctionnelle varie selon les séries (toutes rétrospectives) entre 15 et 80% pour les lésions proximales. Les lésions distales isolées sont traitées classiquement fonctionnellement (en l’absence lésion compressive identifiée) mais nécessitent 6 à 8 mois de réeducation avant la récupération trophique musculaire.

Les techniques chirurgicales donnent d’excellents résultats avec des suites opératoires plus simples pour la technique arthroscopique. Les résultats de la littérature sont excellents si les indications sont bien posées. Les patients récupèrent progressivement leur force musculaire même dans certains cas chroniques opérés tardivement. L’indication chirurgicale a également une remarquable efficacité sur le syndrome douloureux provoqué par cette pathologie neurogène. La rééducation post opératoire est très facile. Les amplitudes articulaires sont exceptionnellement limitées par l’intervention, d’autant que la rééducation est commencée dès le post opératoire immédiat. La rééducation va accompagner la récupération de la force musculaire des muscles supra et infra épineux.

Quels sont les risques ?


Outre les risques génériques de toute chirurgie les risques principaux sont liés à l’abord du nerf et vaisseaux. Les variantes anatomiques possibles peuvent expliquer une blessure vasculaire ou nerveuses.

Références


  • Lafosse L, Tomasi A, Corbett S, Baier G.Arthroscopic release of suprascapular nerve entrapment at the suprascapular notch: technique and preliminary results. Arthroscopy 2007 Jan;23(1):34-42.
  • Mansat M, Mansat C, Guiraud B. Pathologie de l’épaule et syndromes canalaires. Syndromes canalaires du membre supérieur. Paris Monographie du GEM. Expansion scientifique Française ; 1983.
  • Meststdagh H, Drizenko A, Ghestein p. Anatomical bases of suprasrapular nerve syndrome. Anat Clin 1981 ; 3: 67-71
  • Sjoden GO, Movin T, Guntner P, Ingelinan-Sundberg H. Spinoglenoid bone cyst causing suprascapular nerve compression. J Shoulder Elbow Surg 1996;5:147-9.
  • Zanotti RM, Carpenter JE, Blasier RB, Greenfield ML, Adler RS, Bromberg MB. The low incidence of suprascapular nerve injury after primary repair of massive rotator cuff tears. Shoulder and Elbow Surg 1997:6:258-64.
dr patrick houvet chirurgien du membre superieur et des nerfs peripheriques a paris 16

L’auteur : Docteur Patrick HOUVET

Le Docteur Patrick Houvet, chirurgien orthopédiste à Paris et en Île-de-France, est spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, ainsi qu’en chirurgie des nerfs périphériques.