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Paralysie du trapèze par lésion du nerf spinal accessoire (XI)

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Le nerf spinal ou XI est le 11e nerf cranien. C’est un nerf purement moteur.

Il s’agit de la juxtaposition de deux nerfs distincts mais accolés par l’anatomie, le nerf spinal médullaire et le nerf spinal bulbaire.

Dans l’espace rétrostyloidien, le tronc se divise en deux branches terminales, la branche interne destinée au nerf pneumogastrique et la branche externe destinée au mucle sterno-cleido-mastoidien et au muscle trapeze.

Durant son trajet intracranien, cette branche externe est bien protégée et elle est en général intacte après une élongation du plexus brachial. La branche externe traverse ensuite l’espace retrostyloidien dans l’interstice situé entre l’apophyse mastoïde et l’extremité supérieure de la branche montante du maxillaire inférieur, en route en bas et en arrière vers la face profonde du muscle trapèze.

Qu’est-ce qu’une paralysie du trapèze ?


La situation superficielle du nerf spinal accessoire XI le rend particulièrement vulnérable lors de toute lésion traumatique au cou. Dans la littérature, 80% des lésions du nerf spinal accessoire et la paralysie du trapèze sont le plus souvent la conséquence d’une intervention chirurgicale qui a lésé cette branche externe du spinal après sa sortie du sterno-cléido-mastoïdien. Cette paralysie peut être inéluctable dans le cadre d’un curage ganglionnaire mais le plus souvent elle est iatrogène à l’occasion d’un geste chirurgical initialement considéré comme mineur telles une biopsie ganglionnaire ou l’exérèse d’un kyste congénital.

Selon le niveau d’atteinte au cou il existe toujours une paralysie du muscle trapèze et parfois du sterno-cleido-mastoidien.

Quels sont les signes cliniques de cette paralysie de l’épaule ?


L’examen clinique commun devant une paralysie de l’épaule doit comporter un interrogatoire minutieux : profession, activités de loisirs, sports, latéralité. Les circonstances de survenue sont essentielles au diagnostic et au traitement : accident de la voie publique ou du travail, dans les suites d’une intervention chirurgicale, apparition spontanée progressive ou brutale de façon douloureuse ou indolore, avec ou sans signes généraux d’accompagnement.

L’impotence est apparue le plus souvent immédiatement après la lésion traumatique ou bien la chirurgie du cou. Le patient peut se souvenir s’il s’agissait d’une anesthésie locale, d’un brusque ressaut de l’épaule au cours d’une biopsie par exemple ou d’une difficulté à s’habiller. Les premiers troubles associent douleurs et impotence fonctionnelle. Le déficit moteur est souvent constaté avec un retard de quelques semaines. Souvent le diagnostic n’est pas fait car la lésion iatrogène est niée ce qui entraîne un retard au diagnostic et parfois une prise en charge rhumatologique de quelques mois avant que le patient n’arrive en milieu spécialisé.

L’examen neurologique étudiera la motricité muscle par muscle depuis l’angulaire le rhomboïde le grand dentelé le trapèze et ses différents chefs le sterno-cléido-mastoïdien le grand pectoral le deltoïde le grand dorsal le grand rond le sous-scapulaire les sus- et sous-épineux le petit rond, la sensibilité du moignon de l’épaule ainsi que bien entendu l’ensemble du membre supérieur, les mobilités articulaires, une déformation visible une disparition du relief du trapèze. Le tableau clinique bien connu et décrit par de nombreux auteurs associe des douleurs à une paralysie partielle de l’abduction. Progressivement l’amyotrophie s’installe entraînant l’aspect particulier avec une épaule tombante, l’atrophie du trapèze, le décollement de l’omoplate et le défaut d’abduction au-delà de 90°. Le patient se plaint d’une douleur de l’épaule mal systématisée et qui généralement a régressé avec le temps. Il existe plus une gêne fonctionnelle importante avec une abduction qui atteint difficilement 90° et se fait sans force. L’aspect du creux sus-claviculaire de face est très particulier avec disparition du relief du trapèze supérieur. Généralement le trapèze inférieur et moyen sont restés partiellement ou totalement indemnes. L’amyotrophie se voit mieux en demandant au patient de lever le bras. La cicatrice de l’intervention siège sur le trajet du nerf spinal. Elle est habituellement très petite et juste en arrière du relief du sterno-cléido-mastoïdien. Parfois la percussion à ce niveau entraîne des fourmillements signant la présence d’un névrome.

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Quels sont les examens complémentaires nécessaires ?


Cet examen clinique sera généralement complété par des examens complémentaires : l’EMG ou électromyogramme doit être réalisé par un spécialiste entraîné à l’étude des paralysies périphériques et qui saura bien comment séparer un faisceau moyen du trapèze d’un angulaire de l’omoplate.

L’électromyogramme est le seul examen indispensable qui montrera une paralysie complète du trapèze supérieur et une atteinte limitée des chefs moyen et inférieur.

 

L’échographie peut retrouver un névrome dans les mains d’un opérateur entrainé.

L’IRM élimine une pathologie régionale et montre la fonte musculaire complète du faisceau supérieur du trapèze par rapport au côté opposé et l’aspect caractéristique d’un muscle atrophié.

Quelles sont les possibilités de traitement ?


L’indication chirurgicale dépend du délai d’apparition des troubles du caractère complet ou pas de la paralysie sur le plan clinique et électromyographique de la gêne fonctionnelle et du terrain. Schématiquement :

  • Dans les premiers mois et jusqu’à 4 à 5 mois on pourra espérer une récupération spontanée. Il peut s’agir d’une neurapraxie ou d’un axonotmésis stade 1 ou 2.
  • Après 4 mois l’intervention exploratrice doit être proposée :
    • Elle est menée par une voie longitudinale, en zigzag agrandissant la cicatrice initiale. En avant du muscle sterno-cléido-mastoïdien (SCM), le nerf passe au-dessus de la veine jugulaire interne dans 75% des cas. Le repérage du bout proximal est possible en relevant le SCM en arriere de l’angle de la machoire, 3cm sous la pointe de la mastoide et en cherchant sous son relief un névrome proximal. La difficulté est de dissocier la branche externe du spinal des nombreux nerfs du plexus cervical superficiel de la région. Le bout distal est souvent plus difficile à retrouver. Dans le creux sus-claviculaire, le nerf spinal descend obliquement dans le dièdre formé par le SCM et le trapèze, recouverts par les aponévroses cervicales superficielles et moyennes. Il passe juste sous le rebord antérieur du trapèze et en général dans son aponévrose, 5cm au-dessus de la clavicule. Il détache progressivement deux ou trois rameaux destinés à la partie supérieure du muscle puis le tronc se poursuit jusqu’aux faisceau moyen et inférieur du trapèze. Sur un muscle paralysé cette découverte est plus délicate et souvent longue pour repérer de façon certaine les deux extrémités du nerf spinal sectionné. Cette découverte est d’autant plus difficile que d’autres branches nerveuses sensitives, issues du plexus cervical superficiel, ont pu être sectionnées lors du temps opératoire initial.
    • Si le nerf est en continuité anatomique, une simple neurolyse est suffisante.
    • Si le nerf est sectionné, la réparation doit faire appel à une greffe utilisant le nerf sural externe comme greffon d’un diamétre quasi identique soit 1,5mm. La greffe est réalisée sous microscope selon le schéma classique suture périphérique et fibrinocollage. Un toron de saphène externe est suffisant et la perte de substance ne dépasse pas 4 ou 5 cm. Lorsque la partie distale n’est pas retrouvée on peut proposer une neurotisation intra-musculaire directe préconnisée par Brunelli.

 

  • Dans de rares cas une réparation n’est pas possible. Soit parce que la perte de substance locale a été trop importante (en particulier lorsqu’elle fait suite à un curage ganglionnaire étendu) soit parce que la lésion est trop ancienne (délai supérieur à 1 an), soit parce ce que l’âge du patient est trop avancé.
    • On peut alors proposer une intervention palliative par transfert tendino-musculaire). Cette intervention décrite par Bigliani et coll n’est possible que si l’angulaire le rhomboïde et le petit dentelé supérieur et postérieur sont normaux.
    • Elle consiste à désinsérer l’angulaire de son insertion sur l’angle supéro-interne de l’omoplate et de le transférer sur l’acromion. De même on retend les insertions du rhomboïde et du petit dentelé supérieur et postérieur de façon à éviter la bascule de l’omoplate. Cette intervention donne des résultats acceptables en tout cas elle diminue la chute de l’omoplate et améliore l’abduction d’épaule.
    • Il est cependant clair que les meilleurs résultats proviennent des réparations du nerf spinal. Il faut donc insister sur l’importance de réparer ce nerf dans les meilleurs délais, ce qui diminuera d’autant le handicap et les séquelles fonctionnelles.

Quel est le pronostic ?


Schématiquement :

  • Dans les premiers mois c’est la période des explorations directes des nerfs avec tentative de réparation par neurolyse, suture, ou surtout greffe sous microscope en fonction des découvertes opératoires.
  • Après 18 mois il est trop tard pour espérer une récupération utile par la chirurgie nerveuse directe. C’est l’heure des transferts palliatifs.

L’amélioration du diagnostic et des techniques micro-chirurgicales fait que la réparation par greffe nerveuse donne d’excellents résultats sur ce nerf musculaire pur, car la lésion est proche de son effecteur musculaire. Compte tenu de l’ensemble de ces possibilités thérapeutiques une paralysie de l’épaule ne doit plus entraîner d’immobilité complète si elle est prise en charge à temps.

Quels sont les risques ?


Il faut distinguer les risques génériques des risques spécifiques à cette chirurgie nerveuse :

  • les risques génériques sont l’infection du site opératoire, l’hématome, l’algodystrophie du membre supérieur.
  • Les risques spécifiques sont liés à la dissection micro-chirurgicale du plexus brachial avec un risque de plaie vasculaire ou nerveuse, voire un risque de lesion de la plèvre, une aggravation de la symptomatolgie
  • A part on peut distinguer l’impossibilté de réaliser la greffe pour des raisons techniques

Il existe dans de rares cas des nevromes douloureux au mollet sur le site de prélèvement du nerf donneur.

Références


  • Aboujaoudé J, Alnot JY, Obernin C. The spinal accessory nerve: anatomical study. Rev Chir Orthop, 1994, 80(4) : 291-296
  • Alnot JY, Aboujaoude J, Moulier J. Les lésions traumatiques du nerf spinal : étude clinique et résultats d’une série de 25 cas. Rev Chir Orthop, 1994, 80 : 297-304
  • Mackinnon SE. Nerve surgery. Thieme ED. NY 2015
  • Midha R. Zager E. Surgery of peripheral nerves. Thieme ED. NY 2008
  • Slutsky D. Hentz V.R. Peripheral nerve surgery. Churchill Linvingston 2006
  • Teinturier P. Traitement de la paralysie du trapeze par transplantation de l’angulaire de l’omoplate. Rev Chir Orthop 1990 ; 76 : 297-302.
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L’auteur : Docteur Patrick HOUVET

Le Docteur Patrick Houvet, chirurgien orthopédiste à Paris et en Île-de-France, est spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, ainsi qu’en chirurgie des nerfs périphériques.