Sélectionner une page

Paralysie du plexus brachial d’origine congénitale

Accueil » Pathologies des nerfs périphériques par région » Nerfs du rachis cervical » Paralysie du plexus brachial d’origine congénitale

La paralysie du plexus brachial congénital (PPBC) est la lésion nerveuse la plus couramment rencontrée chez les enfants, elle se traduit par une atteint significative des fonctions motrices et sensitives du membres supérieurs (Reading et al., 2012 ; Weekley et al., 2012 ; Nikolaou et al., 2011, 2014 ; Louden et al., 2013 ; Mehlman et al., 2011).

L’incidence de la PPCB aux États-Unis est d’environ 1,5 pour 1 000 naissances vivantes, et 30 à 40 % de ces enfants souffriront de déficits fonctionnels permanents au membre supérieur (Pondaag et al., 2004) (Foad et al., 2009).

plexus brachial congenital bebe bras paralyse docteur houvet specialiste chirurgie nerfs paris chirurgien orthopediste

William Smellie (1697–1763) médecin obstétricien obstétricien d’origine a pratiqué et enseigné à Londres de 1739 à 1759 (Roberts et al. 2010), est crédité d’avoir produit la plus ancienne description de la lésion du plexus brachial dans la litérature anglo-saxonne (McGillicuddy 2011).

            En 1872, le médecin français Guillaume Benjamin Armand Duchenne a inventé le terme de paralysie obstétricale et établi son étiologie neurogène (Schmitt et al. 2008 ; Fig. 4). Ce terme d’obstétrique est maintenant considéré comme obsolète, et des termes plus précis tels que PPCB ou paralysie du plexus brachial néonatal sont universellement utilisés (Phua et al. 2012). En 1877, le médecin allemand Wilhelm Heinrich Erb nous a fait comprendre par des études anatomiques que la jonction C5 – C6 (alias le point d’Erb) représente le lieu habitueldu traumatisme des patients atteints de paralysie du plexus brachial (Watt et al. 2007 ; Schmitt et al. 2008 ; Tubbs et al.2007). Ces deux médecins sont maintenant liés par l’éponyme avec trait d’union de la paralysie du plexus brachial d’Erb-Duchenne (Mehlman 2009).

            Augusta Klumpke (1859-1927), s’est inspirée des travaux publiés par Erb et a entrepris ses propres recherches sur le plexus brachial (Shoja et Tubbs 2007). Dans son article (publié en 1885), elle a fait valoir avec élégance que le phénomène oculo-pupillaire (syndrome de Claude Bernard-Horner) était un signe prépondérant d’une lésion d’une racine nerveuse proximale et inférieur du plexus, ce qu’elle a appelé “Paralysies radiculaires” (Ulgen et al.2008).

James Warren Sever (1878-1964) et Joseph Battiato L’Episcopo (1890-1947) ont tous les deux contribué à d’importants travaux portant sur la reconstruction secondaire visant à améliorer la fonction des membres supérieurs des patients atteints de PPBC (Sever 1916, 1918 ; L ‘Episcopo 1934, 1939). Sever s’est focalisé sur la libération chirurgicale des structures nerveuses “contractées” (dysplasiques) (Nikolaou et al. 2011), tandis que les travaux de L’Episcopo sont dirigés vers des techniques de transferts musculaires visant à rétablir une rotation externe active de l’épaule. Le travail de Sever (1916) peut également être signalé comme un tournant dans l’histoire des PPBC en raison de son importance et de son exhaustivité Il avait passé en revue la littérature mondiale à partir du milieu des années 1700, et a largement diffusé ses recherches, inspirant par sa brillante monographie, L’Episcopo et bien d’autres (Mehlman 2007). Ces deux personnages restent liés par un éponyme les reliant par un trait d’union : procédure de Sever-L’Episcopo.

            Algimantas Otonas Narakas (1927 – 1993) a été le pionnier des techniques de réparation micro-chirurgicale du plexus brachial avant et après l’introduction du microscope opératoire (Egloff 1995 ; Taleb et al.2013). On lui doit : la classification Narakas, qui regroupe les patients PPBC en quatre groupes de gravité en fonction du nombre des racines nerveuses impliquées. Les travaux de Narakas ont totalement révolutionné la chirurgie nerveuse et en particulier celle du plexus brachial.

Incidence


Une publication datant de 1999 a analysé une base de données informatisées de plus de 300 hôpitaux en Californie et a révélé une incidence de 1,5 pour 1 000 naissances vivantes (1611 paralysies pour plus d’un million d’accouchements) (Gilbert et al. 1999). La première grande étude de base de données nationale américaine sur le PPBC a inclus plus de 17 000 patients atteints de paralysie provenant d’un panel de plus de 11 millions de naissances, révélant une incidence de 1,5 pour 1 000 naissances vivantes (Foad et al. 2008). Fait intéressant, 54 % des bébés atteints de PPBC n’avaient pas de facteurs de risque connus (Foad et al. 2008).

En France, les chiffres sont disparates voir inconnus. On estime à 1 cas pour 1000 naissances viables.

Facteurs de risque


De multiples facteurs de risque ont été suggérés est considérés comme prédictifs d’une atteinte du PPBC, mais de nombreuses études ont montré que la dystocie des épaules et la macrosomie (poids à la naissance > 4,5 kg) étaient particulièrement prépondérantes (Foad et al.2008 ; Mollberg et al.2005 ; Chauhan et al.2005). Dans une étude de base de données nationale américaine, la dystocie de l’épaule et la macrosomie étaient respectivement associées à un risque 100 fois et 14 fois plus élevé de paralysie néonatale du plexus (Foad et al. 2008). Il semblerait alors simplement de discriminer les fœtus macrosomiques (par échographie) afin d’identifier ceux à risque accru de dystocie des épaules et ainsi faire chuter l’incidence. Mais en réalité, l’échographie anténatale possède une faible valeur prédictive positive concernant cette mesure (Sacks et Chen 2000 ; Mehta et al.2005 ; Goetzinger et al.2014).

            En 1992, Jennett et al. ont conclu que : les données que suggèrent la mauvaise adaptation intra-utérine peut jouer un rôle dans la genèse d’un traumatisme du plexus brachial (Jennett et al. 1992). Bernard Gonik a publié en 2000 une la modélisation mathématique pour comparer les forces endogènes (efforts expulsifs utérins et maternels) aux forces exogènes (forces appliquées par l’obstétricienne), concluant que les forces endogènes étaient quatre à neuf fois plus importantes que les forces et contraintes dues aux praticien (Gonik et al., 2000).

            Gurewitsch et coll. ont analysé cette question d’un point de vue autre : paralysies du plexus survenues avec ou sans dystocie de l’épaules et ont conclu qu’une paralysie non associée à une dystocie de l’épaules était probablement une à part (Gurewitsch 2006). Ils ont suivi 13 facteurs de risque distincts et ont constaté que 11 % des patients atteints de paralysie du plexus brachial associée à une dystocie de l’épaules n’avaient aucun facteur de risque identifiable, comparativement à 30 % des patients atteints de paralysie du plexus non-dystocique. Ces facteurs de risque allaient de la macrosomie, accouchement avec extraction instrumentale à des facteurs de risque moins bien connus comme un travail long (stagnation à dilatation complète), une surcharge pondérale maternelle (Gurewitsch 2006). Il devient donc de plus en plus clair qu’un autre mécanisme peut expliquer ces paralysies. Un nombre croissant d’auteurs ont attiré l’attention sur l’induction du travail obstétrical par l’ocytocine (Wei et al., 2010 ; Mori et al., 2011; Bugg et al., 2011 ; Miller, 2009; Doyle et al., 2011; Ouzounian et al., 2005). L’hyper-contraction utérine induite pharmacologiquement rentrerait dans les facteurs de risque ce qui amène à des considérations médico-légales (Mehlman et al., 2012 ; Costley et East, 2012).

plexus brachial congenital bebe bras paralyse dr houvet specialiste chirurgie nerfs paris

Les mesures d’évaluation cliniques


La mesure classique de la gravité de cette maladie est la classification de Narakas. (Tableau 2) En 1987, A. Narakas a proposé, sur la base de l’examen physique effectué à l’âge de 2 à 3 semaines, que les patients soient répartis en quatre groupes (Narakas, 1987). La classification d’origine reconnaissait les groupes 1 et 2 comme paralysie de Erb-Duchenne classique (C5, C6) et Erb-Duchenne étendue (C5, C6 et C7), tandis que les groupes 3 et 4 étaient des paralysies totales du plexus sans et avec la présence signe oculaire respectivement. Il a été démontré que la présence même du syndrome CBH (alias le signe de Klumpke, car elle fut la première à décrire l’association entre les lésions du plexus brachial et ces signes occulaires) a une valeur pronostique défavorable (Al-Qattan et al., 2000). Il a été démontré que cet ordonnancement de Narakas a un pouvoir pronostique, avec des taux de guérison complète considérablement plus faibles pour les patients Narakas 3 et 4 (Narakas, 1987 ; Sibinski et Synder, 2007 ; Foad et al., 2009).

            La gravité de la maladie est également couramment évaluée par le Toronto Test Score, un outil visant à évaluer les enfants de moins d’un an. Cette échelle a été introduite en 1994 par des spécialistes du plexus brachial au Hospital for Sick Children de Toronto, Ontario (Michelow, 1994). Le Toronto Test Score combine des données issues de l’examen physique portant sur cinq groupes musculaires distincts, dont l’un est la flexion du coude (Tableau 3). Avant le Toronto Test Score, de nombreux chirurgiens du plexus brachial utilisaient uniquement la présence ou l’absence de flexion du coude à un âge particulier (par exemple à 3 mois) comme critère principal pour recommander une chirurgie de reconstruction nerveuse. Le Toronto Test Score a effectivement fait évoluer les critères d’indication opératoire.

            Au congrès français d’orthopédie de 1972, Jean Mallet a présenté une méthode de mesure de la fonction des membres supérieurs (fortement pondérée par l’épaule) des patients atteints de PPBC tableau 4 (Mallet, 1972 ; Gilbert et Pivato, 2005). Classiquement, il s’agit d’un système à cinq items, dont le score maximal est de 25 points : pour l’abduction de l’épaule, la rotation externe de l’épaule, la main au cou, la main à la ligne des épineuses et la main à la bouche. Ce système est largement admis et largement utilisé depuis des décennies. Bien qu’elle soit le plus souvent appliquée aux enfants plus jeunes, cette échelle d’évaluation est considérée comme idéale pour les enfants de 3 à 4 ans et plus car elle nécessite une bonne coopération du patient.

            Afin d’améliorer l’évaluation de la rotation interne et de la fonction médiane, Scott Kozin a apporté une modification importante au Mallet en ajoutant la sixième catégorie : rotation interne de l’épaule, augmentant ainsi un score maximal à 30 points (Kozin 2011)

 

Observation

Grade musculaire

Absence de contraction

0

Contraction perçue sans mouvement

1

Mouvement perçu en l’absence de gravité

2

Mouvement perçu contre gravité

3

Mouvement actif contre la gravité et résistance

4

Mouvement avec force normale

5

Tableau 1: Medical Research Council. Score d’activité musculaire.

Groupe

 

Nom

Racines

Examen clinique

1

Paralysie de Erb-Duchenne typique

C5, C6

Extension faible du poignet

Main non atteinte

2

Paralysie de Erb-Duchenne étendue

C5, C6, C7

Identique à supra

+ extension active du coude faible

Poignet tombant

2-A = récupération précoce de l’extension du poignet contre la gravité (2-3 semaines à 2 mois)

2-B = pas de récupération de l’extension du poignet contre la gravité (> 2 mois)

3

Paralysie totale

sans signe oculaire

C5, C6, C7, C8, T1

Poignet en flexion

Main fermée

4

Paralysie totale

avec signe oculaire

C5, C6, C7, C8, T1

Signe de Claude Bernard-Horner

Atteinte pré-ganglionnaire de T1

Tableau 2 : Classification de Narakas modifiée

Observation  (score MRC)

Grade

Score

Mouvements

Sous-Score

Absence de mouvement articulaire

0

0

Extension du pouce

Mouvement perceptible

0 +

0,3

Extension du poignet

< à la moitié de la course

1 –

0,6

Extension du coude

Mouvement à mi-course

1

1,0

Flexion du coude

> Mi-course

1 +

1,3

Flexion des doigts

Bon sans atteindre la totalité du mouvement

2 –

1,6

 

Score maximal = 10

Mouvement articulaire complet

2

2,0

 

Score le plus bas = 0

Tableau 3 : Score Test de Toronto

plexus brachial congenital plexus obstetrical docteur houvet specialiste nerfs paris

Tableau 4 : Score de Mallet modifié incluant la rotation interne de l’épaule, ajout de Scott Kozin

Physiopathologie


Malgré son apparente complexité, l’anatomie macroscopique est cohérente (Fig.1). Le plexus brachial est formé et par la réunion des racines spinales de C5-T1, avec de nombreuses variations, y compris le plexus “pré-fixé” et “post-fixé” avec des contributions des racines C4 et T2, respectivement. Les racines du plexus brachial convergent entre les muscles scalènes antérieur et moyen en troncs : le tronc supérieur étant formé de C5 et C6, le tronc moyen de C7 et le tronc inférieur de C8 et T1. Chaque tronc subit une division, antérieure et postérieure en arrière de la clavicule. Ces divisions fusionnent ensuite en arrière du muscle petit pectoral pour faire naître des faisceaux affublés d’un adjectif en fonction de leur rapport avec l’artère axillaire : le faisceau latéral est formé par la réunion des divisions antérieures des troncs supérieur et moyen ; le faisceau médial fait suite à la division antérieure du tronc inférieur, et le faisceau postérieur est issu de l’union des trois divisions des troncs postérieures. Les muscles proximaux (ceinture scapulaire) sont innervés par les branches collatérale des racines, des troncs et des faisceaux, tandis que les muscles du bras et de l’avant-bras sont fournis par les branches terminales du plexus brachial: le nerf médian (formé à partir de trousseaux de fibres provenant des faisceaux, latéral et médial), les nerfs ulnaire et musculo-cutané (branches terminales des des faisceaux médial et latéral) et les nerfs radial et axillaire (les deux branches terminales du faisceau postérieur) (Marcus et Clarke 2008).

 

            Il existe un certain nombre de moyens de classification de la lésion du plexus brachial obstétrical :

(a) Quand il se situe dans le plexus supra-claviculaire (comme dans la majorité des cas) ou infra-claviculaire (ce qui peut nécessiter une approche chirurgicale alternative).

(b) Si le traumatisme nerveux est pré-ganglionnaire ou post-ganglionnaire. Pour ce dernier, qui représente les cas les plus fréquent pour les racines nerveuses inférieures en raison de leur attachement robuste des tissus mous conjonctifs aux foramens neuraux. Une lésion par avulsion de la racine pré-ganglionnaire entraîne un déficit moteur et sensoriel permanent dans le dermatome correspondant et ne se prête pas actuellement à une réparation chirurgicale primaire car le ganglion les radicelles dorsales sont avulsées et les radicelles ventrales sont séparées des cellules de la corne antérieure. Ceci est détectable en per-opératoire si le ganglion de la racine dorsale s’est déplacé de manière extra-foraminale. Les lésions post-ganglionnaires sont appelées ruptures et sont généralement canditates à des réparations chirurgicales car le ganglion de la racine dorsale est préservé (le nerf en distal subissant une dégénérescence wallérienne).

(c) Selon la description par Seddon d’une lésion nerveuse est soit une neurapraxie, une axonotmesis ou une neurotmesis (Seddon 1947). Cette classification a été démembré en cinq degrés lésionnels par Sunderland (1951). Une guérison complète sera attendue pour une neurapraxie car l’intégrité axonale est préservée. Dans l’axonotmesis (c.-à-d., lésion axonale avec péri-nèvre – épinèvre et cellules de Schwann intactes), une récupération spontanée partielle peut être espérée. La neurotmsis peut représenter soit une lésion par avulsion de la racine dans le contexte d’une lésion pré-ganglionnaire, soit une atteinte complète (solution de continuité) nerveuse dans une lésion post-ganglionnaire ; dans ce dernier scénario, la récupération n’est pas possible sans intervention chirurgicale. En pratique, le tableau est souvent plus complexe, avec de multiples degrés lésionnels survenant chez un même patient (Mackinnon et Dellon, 1988). En effet, la découverte classique d’un névrome en continuité a été décrite comme une lésion de Sunderland VI, car il s’agit généralement d’un mélange des cinq degrés de Sunderland.

(d) Sur la base de travaux antérieurs de Gilbert et Tassin, Narakas a classé la paralysie obstétricale du plexus brachial en quatre groupes, ce qui reflétait la classification histo-pathologique de Sunderland. Le démembrement est basé sur les résultats de l’examen clinique néonatal : à 2 – 4 semaines après la naissance, date à laquelle les lésions neurapraxiques auront commencé à se cicatriser (tableau 1) (Gilbert et Tassin, 1984 ; Narakas, 1986, 1987).

Qu’est ce qu’une paralysie du plexus brachial congenitale ?


Une orientation précoce des jeunes patients vers un centre spécialisé est impératif (Borschel et Clarke, 2009).

            Le clinicien doit exclure les diagnostics différentiels d’une paralysie congénitale du plexus brachial, comme une pathologie intra-crânienne sous-jacente (y compris une paralysie cérébrale et des tumeurs cérébrales), une paralysie du nerf radial ou une fracture ou une luxation impliquant la ceinture scapulaire ou le membre supérieur (pseudo-paralyse) (Alsubhi et al., 2011).

La posture du membre supérieur donne des informations précieuses sur le niveau lésionnel. L’adduction de l’épaule et la rotation interne avec le coude en extension, l’avant-bras en pronation et le poignet / les doigts en flexion, suggèrent fortement une lésion du plexus brachial supérieur Erb-Duchenne (C5, C6, C7). Des données récentes indiquent que la spécificité diagnostique de la posture dite du “pourboire du serveur” chez des nourrissons est inférieure à ce qui était initialement supposé, car la seule exigence absolue pour produire une cette posture est une racine nerveuse T1 intacte (Fattah et al., 2012). Un membre supérieur ballant, absence de toute activité motrice, implique une paralysie totale du plexus (C5-C8, T1). Les présentations cliniques les moins courantes comprennent une paralysie du plexus inférieur de Klumpke (C8, T1) (une main flasque avec un membre supérieur fonctionnel en amont), une paralysie dite intermédiaire (C7, C8, T1) (avec des épaules symétriques, un coude fléchi et une main flasque), et une paralysie C7 isolée (avec un coude fléchi en permanence). Les signes physiques qui sont en faveur d’une lésion du plexus supérieur sont : une scapula décollée du thorax (paralysie du nerf thoracique long ; valeur des racines C5-C7), bien que l’évaluation des scapula chez les nouveau-nés ne soit pas possible. De plus, une respiration avec ballotement thoraco-abdominal pourrait traduire d’une lésion associée du nerf phrénique (valeur racine C3-C5). Un syndrome de Claude Bernard-Horner ipsilatéral (caractérisé par un ptosis, un myosis, une anhidrose et une énophtalmie) peut être observé à l’examen de routine et indique une lésion de T1 proximale aux rami communicantes sympathiques (c’est-à-dire une lésion par avulsion pré-ganglionnaire).

            Un examen approfondi de la motricité du membre supérieur est essentiel pour confirmer le diagnostic, le pronostic et la planification du traitement et représente probablement l’élément le plus difficile de l’examen. Traditionnellement, l’échelle de classification musculaire du Medical Research Council (tableau 2) est utilisée (Medical Research Council 1943) (Tableau 1) ; cependant, son utilisation chez les nourrissons est limitée en raison de leur incapacité à coopérer pleinement à l’examen. Beaucoup d’auteurs lui préfèrent l’échelle de mouvement active validée développée par : The Hospital for Sick Children (Tableau 3) (Clarke et Curtis 1995 ; Curtis et al. 2002). Quinze mouvements cardinaux du membre supérieur sont évalués, y compris ceux de l’épaule (abduction, flexion, rotation interne et rotation externe), du coude (flexion et extension), de l’avant-bras (pronation et supination), du poignet, des doigts et du pouce (flexion et extension).

Quel sont les traitements possibles ?


Il est généralement admis que pour les enfants qui remplissent les critères d’une indication chirurgicale, le traitement ne doit pas être retardé, car cela risque de compromettre le bénéfice de cette chirurgie. Le défi auquel sont confrontés les chirurgiens du plexus brachial a été de développer la capacité d’établir un pronostic. Quels sont les enfants qui sont les plus susceptibles de bénéficier d’une intervention chirurgicale versus ceux avec qui l’observation et l’attente seront de mise. De toute évidence, une intervention chirurgicale ne devrait être justifiée que si le résultat après l’intervention est susceptible d’entraîner une amélioration de la fonction à long terme par rapport à une prise en charge non chirurgicale. Une telle décision nécessite approfondi de l’histoire naturelle de la paralysie. La discrimination est simple lors d’une présentation clinique ou un nourrisson présente un membre ballant avec un syndrome de Claude Bernard-Horner. De même, une chirurgie sera contre-indiquée chez un enfant atteint de paralysie légère qui récupère une fonction motrice substantielle au cours des 4 premiers mois, car la récupération fonctionnelle est à prévoir (Al-Qattan et al. 2000).

            L’importance de la répétition de l’évaluation clinique a été mise en évidence par Clarke et Curtis, car une petite proportion de nourrissons montrant des signes de récupération du coude à 3 mois peut alors ne plus progresser, avec une récupération finalement assez pauvre, ainsi le concept de réévaluation tous les 3 mois d’intervalles restent de mise (Clarke et Curtis 1995). L’algorithme utilisé pour l’évaluation et la prise en charge des nourrissons présentant une paralysie du plexus brachial au Hospital for Sick Children est détaillé sur la figure 4. Une évaluation initiale est effectuée à 3 mois à l’aide de l’échelle de mouvement actif (tableau 3) ; un score de test converti (la somme des cinq scores pour la flexion du coude et l’extension du coude, du poignet, des doigts et du pouce après conversion selon les valeurs du tableau 4) inférieur à 3,5 est fortement prédictif d’un mauvais résultat fonctionnel et la reconstruction chirurgicale est donc recommandé. Les enfants avec un score de test de 3,5 ou plus, avec une racine T1 intact et aucun signe de syndrome de Claude Bernard-Horner, sont strictement suivi cliniquement et bénéficie d’une physiothérapie quotidienne pour maintenir une amplitude de mouvement passive.

plexus brachial congenital plexus obstetrical dr patrick houvet specialiste nerfs paris

Diagramme décisionnel pour l’évaluation et conduit à tenir pour les paralysien du plexus brachial congénitales. The Hospital for Sick Children (Courtesy of Dr. H. M. Clarke)

Exploration chirurgicale et reconstruction

Prélèvement bilatérale du nerf sural

Dans la plupart des situations, le chirurgien optera pour une greffe de nerf sural est nécessaire et la procédure commence avec l’enfant en position couchée en vue de la récolte bilatérale du nerf sural. Un coussin abdominal est utilisé pour faciliter le positionnement du patient avec un soin méticuleux pris pour rembourrer toutes les zones de pression de manière. Environ 15 cm de nerf sural peuvent être prélevés sur chaque jambe chez un nourrisson de 10 kg. Les nerfs sont marqués avec de l’encre afin de faciliter l’orientation et stockés dans un récipient stérile humide dans un réfrigérateur jusqu’à ce que plus tard nécessaire dans la reconstruction.

 

Check-list pré-opératoire

Table d’intervention

Table inversée

Ventilation du patient

Intubation naso-trachéale

Installation du patient

A. Prélèvement des nerfs suraux

Décubitus ventral

B. Exploration du plexus brachial

Décubitus dorsal + champs roulé sous l’épaule

Garrot

Au deux cuisses

Prévention des points de compression

Supports gélifiés

Surveillance température

Sonde rectale

Surveillance de la diurèse

Sonde vésico-urethrale

Instrumentation particulière

a. Prélèvement sural

0° endoscope ?

b. évaluation du plexus brachial

Neuro-stimulateur

c. microchirurgie

Microscope opératoire + instrumentation

d. greffes nerveuses

Colle biologique

Divers

Micro-clips

Block de glace pour les prélèvements anapath.

Jersey pour l’immobilisation coude au corps

Tableau 5 : récapitulatif de préparation d’une intervention de réparation du plexus brachial avec prise de greffons suraux bilatéraux.

Le rôle de la neurolyse

La neurolyse a été proposée comme technique afin d’augmenter la conduction résiduelle au sein d’un névrome en continuité. La neurolyse externe (c’est-à-dire une épi-neurotomie épi-fasciculaire) est réalisée généralement contrairement à une neurolyse interne (c’est-à-dire une épi-neurotomie inter-fasciculaire). Ce type de névrome est le plus couramment rencontré dans la paralysie obstétricale du plexus brachial ; cependant, l’existence d’une continuité anatomique n’implique pas nécessairement une continuité physiologique (c’est-à-dire l’existence d’axones en régénération en nombre suffisant au sein de la masse cicatricielle). Chen et coll. ont montré que les névromes contiennent beaucoup de tissu de collagène avec des fibres nerveuses sporadiques enveloppées de gaines de myéline immatures ; malgré le fait qu’une proportion substantielle des fibres nerveuses régénérées a traversé le névrome, il n’y avait pas de corrélation entre la conductivité peropératoire du névrome et le pourcentage de fibres de nerf à travers celui-ci (Chen et al. 2008). La valeur du testing per-opératoires reste à prouver, certains centres réalisent des stimulations per-opératoires et optent pour la préservation d’un névrome continuité s’il y a au-moins de 50 % de potentiel d’action moteur à travers la lésion (Shenaq et al. 1998). Dans un tel scénario, une neurolyse serait réalisée et la conduction nerveuse augmentée si nécessaire au moyen de greffes fasciculaires à travers le névrome. Lorsqu’il y a une réduction de plus de 50 % de l’amplitude des potentiels, une résection radicale du névrome est de mise. Laurent et coll. ont rapporté que les résultats de la greffe de nerf sural étaient considérablement meilleurs que ceux des patients ayant subi une neurolyse (Laurent et al. 1993).

 

Reconstruction avec des greffes de nerf sural :

Après la résection du névrome et la confirmation histologique de moignons proximaux et distaux sont exempts de tissus névromateux, le gap nerveux doit être comblé par une greffe nerveuse. La priorité doit être donnée à la ré-innervation fonctionnelle de la main, suivie de la restauration de la fonction du biceps, puis la stabilité de l’épaule et enfin à l’extension du coude et du poignet. Le défaut typique est de l’ordre de 2,5 à 4,5 cm, ce qui permet typiquement de disposer de 6 à 12 câbles de greffe surale. La préférence va à la greffe anatomique (c’est-à-dire de la racine d’origine à la cible initialement prévue) ; cependant, en cas d’indisponibilité d’un moignon proximal (c’est-à-dire en raison d’une lésion par avulsion pré-ganglionnaire), une autre source d’axones doit être recherchée.

 

Transferts nerveux ou neurotisation :

Le transfert nerveux est une technique chirurgicale par laquelle un nerf physiologiquement actif (sélectionné pour minimiser la morbidité du donneur) est intentionnellement sectionné et transféré vers un nerf non fonctionnel afin de réactiver la conduction motrice. Les transferts peuvent être classés comme étant des transferts nerveux extra-plexique, intra-plexique ou de voisinage. Les transferts nerveux sont indiqués dans le profiles d’avulsions radiculaires multiples où il n’y a pas suffisamment d’axones donneurs disponibles à partir des souches proximales ou lorsque le matériel de greffe est insuffisant pour compléter la reconstruction souhaitée.

Le transfert extra-plexique le plus couramment réalisé se fait de la partie distale du nerf accessoire au nerf supra-scapulaire (Allieu et al. 1982). Le nerf spinal accessoire est situé sur la face profonde du muscle trapèze, il est accessible via l’abord supra-claviculaire. Le nerf est repéré en distal au-delà de ses branches proximales (innervation des faisceaux supérieur et transversal du trapèze).

La fonction du biceps peut bénéficier d’une neurotisation extra-plexique par des nerfs intercostaux vers le nerf musculo-cutané (Hattori et al.1997; Kawabata et al.2001 ), tandis que la stabilité de l’épaule est assurée par un transfert du nerf accessoire vers le nerf supra-scapulaire.

Les transferts nerveux intra-plexiques peuvent-être envisagés dans les cas d’avulsion radiculaires sub-totales, dans laquelle au moins une seule racine a subi une lésion de rupture et est donc disponible pour le transfert. Bien que les transferts nerveux proximaux (c.-à-d. Extra-plexique et intra-plexique) représentent la majorité des transferts nerveux effectués pour reconstruire le plexus brachial, le concept de transfert nerveux à cible rapprochée s’est développé lorsque la coaptation se produit à un site plus distal (c.-à-d. la jonction neuro-musculaire), permettant ainsi une récupération plus rapide de la fonction motrice. Les exemples incluent le transfert des nerfs inter-costaux vers le nerf musculo-cutané pour permettre la flexion du coude ou le transfert du nerf du long triceps du nerf radial au nerf axillaire dans la paralysie d’Erb-Duchenne pour augmenter l’abduction de l’épaule (Jerome, 2011).

 

Soins post-opératoires :

Un pansement simple est appliqué sur l’incision supra-claviculaire, tandis que le membre supérieur est immobilisé pendant une période de 3 semaines dans un maillot (Mayo-Clinic). Les patients passent généralement deux nuits à l’hôpital après l’opération. Le patient revient pour un contrôle de la plaie et le retrait du maillot après 3 semaines, on autorise les mouvements spontanés et passifs. Les exercices de mobilité passive sont recommencés après la cinquième semaine post-opératoire.

            La restauration du mouvement pré-opératoire est observée 3 à 6 mois après l’opération, et 6 à 9 mois, une récupération supplémentaire appréciable est attendue (Capek et al. 1998). Une récupération ultérieure, telle qu’évaluée par un examen clinique, est prévue jusqu’à la quatrième année post-opératoire, date à laquelle l’amélioration fonctionnelle s’est inévitablement stabilisée. Les études d’électrodiagnostic ne sont pas effectuées systématiquement après l’opération. Les enfants sont examinés annuellement jusqu’à la fin de la croissance afin de considérer d’éventuelles procédures secondaires.

Quel est le pronostic ?


 Un taux de complications de 33,5 % a été documenté dans une série rétrospective de 173 reconstructions du plexus brachial (La Scala et al. 2003). Aucun décès n’est à déplorer.

Résultats fonctionnels


Faire des comparaisons directes entre résultats de différentes séries de patients sont grévées par la grande variabilité des profils, des différentes méthodes d’évaluation et de classification de la gravité de la maladie. Gilbert a rapporté 436 patients ayant subi une reconstruction chirurgicale pour paralysie obstétricale du plexus brachial ; le suivi d’une duré de au moins 4 ans et a inclus les patients ayant subi des chirurgies de reconstruction secondaire (Gilbert 1988 ; Gilbert et al. 2006). L’évaluation de la fonction a utilisé l’échelle de Mallet ; pour les lésions C5 – C6, 80 % des patients ont atteint une fonction de l’épaule bonne ou excellente, tandis que pour les lésions C5 – C7, 61 % ont atteint une fonction de l’épaule bonne ou excellente. Pour les lésions C5-T1, 25 % ont récupéré une fonction manuelle utile. De même, dans une série de 282 nourrissons ayant bénéficié d’une reconstruction du plexus brachial au Texas Children’s Hospital, après un suivi moyen de 5 ans, dans l’ensemble, 75 % des patients ont eu un résultat bon à excellent (basé sur l’échelle de Mallet) après une chirurgie reconstructive de première voir de seconde intention (Shenaq et al. 2005). Les résultats du Hospital for Sick Children, Toronto, sur 108 patients avec un suivi à long terme (pendant au moins 4 ans) ont été rapportés ; 16 ont bénéficié d’une neurolyse d’un névrome en continuité, tandis que 92 (48 avec une paralysie C5, C6 et 44 avec une paralysie complète du plexus) ont eu une résection du névrome et une greffe nerveuse (Lin et al. 2009). En conclusion, les améliorations fonctionnelles précoces après neurolyse dans la paralysie C5, C6 n’étaient pas pérennes ; cependant, la résection d’un névrome avec greffe nerveuse a eu pour résultat une amélioration fonctionnelle significative à la fois pour les C5, C6 et les paralysies complètes du plexus. Fait intéressant, dans une série de 78 nourrissons atteints de paralysie obstétricale du plexus brachial traités à l’hôpital Chang Gung Memorial de Taipei, avec un suivi d’au moins 4 ans, ceux atteints de paralysie C5, C6 (n = 34) qui ont bénéficié d’une reconstruction par greffe nerveuse avaient systématiquement de meilleurs résultats lorsque le tronc nerveux était plus proximale (c.-à-d. la partie supérieure du tronc) que distale (c.-à-d. les nerfs musculo-cutanés ou axillaires) (Chuang et al. 2005). On a émis l’hypothèse que cela pourrait refléter la longueur de greffe nécessaire pour atteindre les cibles les plus distales. Chez les patients présentant des lésions mixtes de rupture et d’avulsion (n = 44), 65 % de ceux qui ont nécessité un transfert du nerf accessoire au nerf supra-scapulaire ont obtenu une bonne fonction de l’épaule. Chez les nourrissons avec deux avulsions radiculaires ou plus, qui ont été reconstruits avec un transfert du nerf intercostal vers le nerf musculo-cutané, 65 % ont atteint une bonne flexion du coude, tandis que la neurotisation intra-plexique de C8 à partir de C5 ou C6 permet d’obtenir une bonne flexion des doigts dans 60 % des cas et juste une flexion rudimentaire dans 28% des cas. À noter, chez les dix patients reconstruits au-delà d’un an, aucune amélioration n’a été observée dans la fonction de la main, bien que tous aient montré une amélioration de la fonction de l’épaule et du coude.

            Les conséquences tardives de la paralysie obstétricale du plexus brachial chez les patients traités et non traités sont bien documentées (Adler et Patterson 1967). Ceux-ci incluent : l’hypoplasie du membre supérieur ; les contractures de rotation interne de l’épaule ; les contractures de flexion du coude ; les contractures en supination de l’avant-bras, les luxations antérieures de la tête radiale, la déviation ulnaire du poignet, une variété de contractures digitales et d’importantes séquelles psychosociales. La reconstruction secondaire de ces déformations fait appel une multitude de techniques comprenant les transferts tendineux, les ténodèses, la capsulodèses, l’arthrodèse et l’ostéotomie; les objectifs sont spécifiques à chaque niveau d’atteinte du plexus: pour les lésions du plexus supérieur, la restauration de l’abduction de l’épaule (deltoïde) et de la flexion du coude (biceps) est essentielle, tandis que dans les lésions du plexus moyen, l’extension du coude (triceps) est la priorité; enfin, pour les lésions du plexus inférieur, c’est la récupération de la flexion des doigts et de l’extension du pouce qui est la plus importante (Zancolli et Zancolli 1988).

Références


  • Al-Qattan MM, Clarke HM, Curtis CG. The prognostic value of concurrent Horner’s syndrome in total obstetric brachial plexus injury. J Hand Surg-Br. 2000; 25- B: 166–7.
  • Borschel GH, Clarke HM. Obstetrical brachial plexus palsy. Plast Reconstr Surg. 2009; 124 (1 Suppl): 144e–55.
  • Chuang DC, et al. Surgical strategy for infant obstetrical brachial plexus palsy: experiences at Chang Gung Memorial Hospital. Plast Reconstr Surg. 2005; 116 (1): 132–42; discussion 143–134.
  • Gilbert A, Tassin JL. Surgical repair of the brachial plexus in obstetric paralysis. Chirurgie. 1984; 110(1): 70–5.
  • Gilbert A, et al. Indications and results of brachial plexus surgery in obstetrical palsy. Orthop Clin N Am. 1988; 19(1): 91–105.
  • Kozin SH. The evaluation and treatment of children with brachial plexus birth palsy. J Hand Surg. 2011; 36- A: 1360–9.
  • Mackinnon SE, Dellon AL. Surgery of the peripheral nerve. New York: Thieme; 1988.
  • Mehlman CT. Neonatal brachial plexus palsy: modern concepts regarding evaluation and treatment in infants and children. J Am Osteopath Acad Orthop. 2009; 46: 24–6.
  • Michelow BJ, Clarke HM, Curtis CG, Zuker RM, Seifu Y, Andrews DF. The natural history of obstetrical brachial plexus palsy. Plast Recunstr Surg 1994; 93: 675–680.
  • Shenaq SM, et al. Brachial plexus birth injuries and current management. Clin Plast Surg. 1998; 25(4): 527–36.
dr patrick houvet chirurgien du membre superieur et des nerfs peripheriques a paris 16

L’auteur : Docteur Patrick HOUVET

Le Docteur Patrick Houvet, chirurgien orthopédiste à Paris et en Île-de-France, est spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, ainsi qu’en chirurgie des nerfs périphériques.