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Les plaies des nerfs du poignet et de la main (plaie des nerfs digitaux)

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Qu’est ce qu’une plaie d’un nerf du poignet ou de la main ?


En urgence, l’examen d’une plaie de la main ou du poignet est difficile en raison de la douleur et du saignement souvent importants. De ce fait la règle veut que toute plaie de la main située sur le trajet anatomique d’un tendon, d’un nerf ou d’une artère doit être explorée chirurgicalement dans de bonnes conditions techniques.

Toutes les lésions et en particulier les lésions nerveuses doivent être réparées.

Les plaies du poignet ou de la main posent des problèmes différents :

  • au poignet elle atteint des nerfs mixtes ou sensitivo-moteurs :
    • le nerf ulnaire ou cubital est situé en dedans de l’artère sous le tendon du muscle fléchisseur ulnaire du carpe. Il donne une branche sensitive pour l’hemi-face dorsale du poignet puis il se divise en une branche sensitive pour les derniers doigts et une branche motrice profonde qui commande les muscles interosseux, hypothénariens etc.
    • le nerf médian est très superficiel ; il donne la branche cutanée palmaire pour la base du pouce puis à la sortie du canal carpien des branches motrices pour les muscles thénariens du pouce et des branches sensitives pour les quatre premiers doigts.
  • à la main, la plaie n’intéresse que des nerfs sensitifs purs :
    • les nerfs digitaux sont exclusivement sensitifs et ils proviennent soit du nerf ulnaire soit du nerf médian. A la partie distale de la paume, ces nerfs digitaux se divisent pour prendre en charge la sensibilité d’un hémi-doigt. Ces nerfs cheminent à la face palmaire du doigt, superficiels par rapport aux artères et se terminent par une arborescence distale, pulpaire.

Secondairement, c’est la constatation par le patient, de la persistance ou bien la découverte après la cicatrisation locale, d’un déficit de mobilité ou de sensibilité en aval de la plaie qui motive la consultation spécialisée.

Quels sont les signes cliniques liés à cette atteinte d’un nerf du poignet ou de la main ?


Au poignet :

  • le nerf médian est superficiel et donc très vulnérable. Une section du nerf médian entraîne une paralysie des muscles thénariens externes, c’est-à-dire une paralysie de l’opposition du pouce aux autres doigts, et une anesthésie des pulpes des trois premiers doigts et de la moitié externe de l’annulaire.
  • une section du nerf ulnaire entraîne une anesthésie de l’hémi-pulpe ulnaire de l’annulaire et de l’auriculaire, associé à une paralysie complète des muscles intrinsèques des doigts, (impossible d’écarter les doigts les uns des autres ou de ramener le 5e vers le 4e par ex.).

La section haute implique la perte de sensibilité de l’hémiface dorsale du poignet.

A la main, l’atteinte d’un nerf digital ou plus distalement d’un nerf collatéral digital entraîne exclusivement une perte de sensibilité dans le territoire concerné.

Fonctionnellement l’atteinte des hémi-pulpes majeures (qui s’opposent au pouce dans la pince pollici-digitale) est péjorative.

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Les lésions associées, notamment tendineuses et artérielles doivent être réparées dans le même temps opératoire mais posent souvent des problèmes techniques et pronostiques supplémentaires.

Quels sont les examens complémentaires nécessaires ?


En urgence, le diagnostic est exclusivement clinique :

  • l’interrogatoire note les conditions de la blessure :
    • au poignet il s’agit souvent d’une plaie grave par verre par ex. après avoir passé la main au travers d’une fenêtre ou d’une porte, d’une tentative de suicide par rasoir ou couteau etc..
    • à la main ou sur un doigt il s’agit plus souvent d’un accident domestique ; dénoyautage d’un fruit, tranchage de jambon, ouverture des huîtres etc…
  • le testing des différentes pulpes qui permet de rechercher une hypo ou une anesthésie d’un territoire. C’est la recherche d’un défaut de motricité d’un segment digital qui évoque la lésion nerveuse motrice mais encore une fois : la règle veut que toute plaie de la main située sur le trajet anatomique d’un tendon, d’un nerf ou d’une artère doit être explorée chirurgicalement dans de bonnes conditions techniques.

 

A distance du traumatisme initial, les plaies sont en général cicatrisées. En fonction du territoire ou de la fonction déficitaires une échographie ou un electromyogramme peuvent être utiles mais jamais obligatoires. L’examen clinique prévaut.

Quelles sont les possibilités de traitement de ces lésions?


Au poignet, la technique de réparation des nerfs médian et ulnaire dépend de l’existence d’une contusion et d’une éventuelle perte de substance.

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  • La suture directe est réalisable en urgence s’il s’agit d’une plaie franche, propre et nette, sans perte de substance. Les points de suture périphériques sont réalisés sous microscope ou sous loupes à fort grossissement en utilisant un fil très petit 9/0 ou 10/0 soit 100 microns avec des instruments microchirurgicaux précis. L’addition de colle biologique permet de diminuer le nombre de points de suture et d’assurer une meilleure coaptation des deux extrémités et de parfaire l’étanchéité de la gaine nerveuse.
    Toutes les lésions associées sont réparées dans le même temps. La réparation artérielle est fondamentale pour la trophicité. Les lésions des tendons fléchisseurs sont ensuite réparées avec des suites opératoires précises.
  • Lorsque la suture directe est impossible, en raison d’une plaie très délabrée une contusion des extrémités ou bien dans le cadre d’une large perte tissulaire, il importe de repérer les extrémités nerveuses et de les rapprocher par quelques points (car les nerfs sont systèmes élastiques et ce rapprochement évite la rétraction, limite la cicatrice conjonctive) et envisager une réparation secondaire.
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    • La suture secondaire est possible si après résection des extrémités, la distance est courte et que la suture peut se faire sans tension excessive, articulations en extension.
    • La greffe nerveuse, par groupe fasciculaire permet de ponter des pertes de substances plus longues en utilisant en règle le nerf sural ou saphène externe.

 

A la main, toutes les lésions sont réparées dans un ordre superposable à celui des plaies de poignet : tendons, nerfs puis artères. Après régularisation des extrémités sans dissection intra nerveuse, les groupes fasciculaires sont repérés et la suture est épi-périneurale selon la technique de Bourel, prenant en bloc les enveloppes conjonctives, en utilisant 3 à 4 points et de la colle biologique

Un conduit artificiel (endotube) peut être utile soit parce que la perte de substance éloigne les deux extrémités et dans ce cas comme un substitut à la greffe, soit dans une technique de manchonnage autour de la suture classique pour eviter une fuite des fascicules nerveux.

La greffe nerveuse est possible dans les lésions fraîches avec une perte de substance si les conditions locales le permettent. Les greffons utilisés sont soit une branche du musculo-cutané ou du BCI ou même le nerf saphène externe s’il existe plusieurs lésions.

Un seul ou plusieurs petits torons provenant du nerf donneur sont agrégés en fagot pour obtenir une structure de diamètre proche du nerf a réparer.

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La réparation artérielle améliore la récupération nerveuse et la trophicité pulpaire.

Une bonne couverture cutanée locale peut aussi nécessiter un lambeau local.

L’immobilisation est de 15 jours mais dés le 10e jour la cicatrisation nerveuse et artérielle  autorise la mobilisation passive contrôlée en cas de lésions tendineuses associées.

 

Secondairement, la suture directe est rarement possible ; elle impliquerait après recoupe des deux extrémités une suture en tension le plus souvent, biologiquement péjorative.

Une interposition est donc la règle : soit artificielle sous la forme d’un endotube, à condition que la perte de substance soit limitée en longueur et en diamètre, soit par une greffe nerveuse.

Quel est le pronostic de ces lésions ?


Le résultat fonctionnel dépend du type et du niveau de la lésion, de l’existence de lésions associées et de leur traitement, de l’âge et des caractéristiques du blessé (tabac par ex.).

Le bilan se fait en consultation par des techniques simples et reproductibles, comparant le côté opposé et les doigts voisins. L’évolution se fait par l’apparition d’un signe de Tinel (c’est la percussion de la tête du nerf en cours de regenerescence), le retour de la motricité volontaire, de la sensibilité et de la sudation.

Compte tenu de la vitesse de la régénérescence nerveuse (1mm/jour en moyenne), le délai minimal de récupération est de 6 mois avec une amélioration possible jusqu’à 18 mois.

  • la sensibilité peut être côté en 4 stades, passant de l’anesthésie complète à la sensibilité de protection puis tactile et enfin discriminative. Le tact est exploré par le test discriminant aux monofilaments Semmes-Weinstein.
  • Le retour de la motricité débute par le tonus, la sensibilité musculaire et la trophicité. Secondairement les contractions musculaires volontaires réapparaissent.
    Pour le nerf médian on recherchera l’antepulsion / opposition du pouce et pour le nerf ulnaire, l’abduction élévation de l’auriculaire, la griffe et les doigts en volets, l’ecartement-rapprochement des doigts.
  • L’electromyogramme (EMG), dépiste le début de récupération par la mise en évidence de potentiels de réinnervation infracliniques.

Quels sont les risques ?


Le risque majeur est surtout de ne pas réparer une lésion nerveuse par méconnaissance ou défaut d’exploration.

Devant une plaie récente d’un tronc nerveux la suture primitive faite dans un centre spécialisé par un opérateur entraîné et dans de bonnes conditions techniques a des indications précises : la réparation des sections de branches purement sensitives ou motrices, notamment au niveau de la main, des lésions partielles des nerfs mixtes sensitivo-moteurs au poignet, quand la suture directe est possible sont de bon pronostic et relativement simple à mettre en œuvre.

A l’opposé, les réparations secondaires et les plaies contuses et/ou avec une grande perte de substance nerveuse, traitées secondairement par greffe nerveuse auront un pronostic reservé avec plus de risques loco-régionaux : infection du site, fibrose majeure, échec fonctionnel etc…

Références


  • Altissimi M, Mancini GB, Azzara A. Results of repair of digital nerves. J Hand Surg 1991; 16B : 546- 7
  • Bourrel P, Ferro RM, Lorthioir JM. Résultats cliniques compares des sutures nerveuses “mixtes” épipérineurales et nevrilemmatiques. À propos d’une série de 109 cas. Sem Hôpitaux Paris 1981,57 :2015-23.
  • Buncke HJ. Digital nerve repairs. Surg Clin North North Am 1972 ; 52. 1267-85.
  • Chaise F, Friol JP, Gaisne E. Résultats de la reparation en urgence des plaies des nerfs collatéraux palmaires des doigts. Rev Chir Orthop 1993 ; 79 393-7.
  • Sunderland S. Nerve injuries and their repair. A critical appraisal. London, Churchill Livingston 1991
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L’auteur : Docteur Patrick HOUVET

Le Docteur Patrick Houvet, chirurgien orthopédiste à Paris et en Île-de-France, est spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, ainsi qu’en chirurgie des nerfs périphériques.