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La paralysie du nerf ulnaire au poignet ou Syndrome du canal de Guyon

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La compression du nerf ulnaire au poignet est moins connue que celle du nerf médian.

La neuropathie du nerf distal au canal de Guyon est assez rare : 10% des neuropathies ulnaire.

En 1861 Jean Casimir Félix GUYON décrit « un canal anatomique de la face palmo-ulnaire du poignet, où le nerf ulnaire est prédisposé à la compression. » C’est en 1955 que J. Benassy décrira le syndrome du canal de Guyon tel que nous le connaissons.

Les limites anatomiques de l’espace de Guyon sont purement aponévrotiques. Ces parois moins rigides ne créent donc pas un réel canal ou un tunnel et il est préferable d’utiliser le terme loge ou espace. Long de 4 à 4,5 cm, partant de la partie distale du ligament annulaire antérieur, cet espace s’étend jusqu’à l’arc fibreux des muscles hypothénariens.

Le toit est constitué à la partie proximale par le ligament carpien palmaire puis le muscle court palmaire, puis la graisse hypothénar et du tissu fibreux.

Le plancher est formé par les tendons fléchisseurs des doigts profonds, le ligament carpien transverse, les ligaments piso-hamate et piso-métacarpien et le muscle digiti minimi adverse.

La paroi médiale comprend le fléchisseur ulnaire du carpe, le pisiforme et l’abducteur digiti minimi.

La paroi latérale comprend les tendons fléchisseurs et leur rétinaculum, le ligament carpien transverse et l’hamatum.

Deux hiatus sont clairement identifiés :

  • Un proximal, superficiel, limité par le pisforme en dedans le LAAC en profondeur et le carpivolaris en surface.
  • Un distal, profond, limité en avant par la solide arcade fibreuse, tendue du pisiforme à l’hamatum et sur laquelle vont s’insérer les fibres de l’abducteur et du court fléchisseur du 5e

Le nerf chemine en-dedans de l’artère et se divise en deux branches distinctes à la partie moyenne de la loge :

  • La branche superficielle, après avoir donné un rameau moteur au malmaire cutané devient sensitive pure. Puis elle se divise pour donner le nerf collatéral ulnaire palmaire du 5e doigt et le nerf interdigital du 4e
  • La branche profonde est motrice pure. Elle oblique en bas et en dehors pour passer sous le hiatus distal profond de la loge. Elle distribue tout au long de son trajet des rameaux moteurs à tous les muscles hypothénariens, aux inyterosseux et aux lombricaux cubitaux jusqu’au thénariens internes.
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Les études anatomiques ont permis au clinicien de prédire les sites et les causes spécifiques de la compression en corrélant les symptômes et les signes présentant les caractéristiques anatomiques uniques du nerf ulnaire dans cette zone.

Qu’est-ce qu’une paralysie du nerf ulnaire au poignet ou Syndrome du canal de Guyon?


La neuropathie ou compression du nerf ulnaire au poignet survient moins souvent qu’au tunnel cubital. La compression est souvent associée à une cause identifiable.

Plusieurs études cliniques et rapports de cas ont identifié des causes de compression, qui impliquent généralement des lésions occupant l’espace ou sont le résultat de traumatismes aigus ou répétitifs.

 

Les tumeurs bénignes représentent la cause la plus fréquente (31% des causes) et en particulier les kystes ganglionnaires avec 29% à 45% des cas. Viennent ensuite les lipomes avec 3% des cas, les tumeurs à cellules géantes : 2% des cas, les tumeurs desmoïdes, les granulomes à corps étrangers.

Les séquelles de traumatismes représentent 26% des cas, les anomalies anatomiques / congénitales : 14% des cas, les pathologies vasculaires 9% des cas, l’arthrose de la DRUJ : 4% des cas.

Les tumeurs intra-nerveuses comme le kyste intraneural ou les schwanomes sont plus rares.

Quels sont les signes cliniques de cette paralysie du nerf ulnaire au poignet ?


L’interrogatoire et l’examen général orientent vers une cause post-traumatique évidente ou bien l’existence d’une activité récurente pouvant entrainer une pathologie microtraumatique locale (hammer syndrom, vélo, scooter etc…). Un déficit mixte moteur et sensoriel sans antécédent traumatique est retrouvé dans 70% des cas.

L’analyse des symptômes est la clé du diagnostic et du site de compression probable.

Les douleurs sont rares et on note plutôt des paresthésies pouvant irradier vers l’avant-bras.

Un syndrome irritatif à la percussion de la loge de Guyon est rarement retrouvé.

Le testing sensitif recherche une hypoesthésie de la face palmaire des deux derniers doigts.

L’examen moteur des intrinsèques et des extrinsèques recherche la présence de signes de paralysie du nerf ulnaire :

  • Le signe de Wartemberg avec une abduction permanente du 5e doigt liée à la paralysie de l’abducteur du 5e
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  • Le signe de Jeanne avec une hyperextension de la MCP du pouce si la paralysie du court fléchisseur est totale.
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  • Le signe de Froment avec l’absence de possibilité d’une pince pulpo-pulpaire pouce-index liée à la paralysie du 1er interosseux dorsal et de l’adducteur du pouce.
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  • La manœuvre de Bouvier (mise en position intrinsèque + des deux derniers doigts) est impossible en raison de la paralysie des interosseux et des lombricaux cubitaux.

 

L’association d’un ou plusieurs de ces signes en l’absence de paralysie des muscles extrinsèques ulnaires (fléchisseur profond du 4e et 5e doigt) renforce la probabilité d’une atteinte locale. Parfois le patient est vu à un stade avancé avec une amyotrophie marquée : à la paume tous les hypothénariens, les interosseux et les thénariens internes et à la face dorsale une perte de volume de tous les interosseux).

 

Les études anatomiques de Shea et Gross ont permis au clinicien de prédire les sites et les causes spécifiques de la compression en corrélant les symptômes et les signes présentant les caractéristiques anatomiques uniques du nerf ulnaire dans cette zone.

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► Type 1: déficit moteur sensoriel mixte dans 30% des cas.

Cela implique une faiblesse motrice de tous les muscles innervés de la main ainsi qu’un déficit sensoriel des surfaces palmaires de l’éminence hypothénar et des deux doigts ulnaires.

La compression sur le nerf est juste proximale du canal de Guyon ou à l’intérieur du canal.

La sensation normale sur le dos du côté médial de la main localise la lésion distale de l’origine de la branche cutanée dorsale et donc distale du coude.

► Type 2: déficit moteur isolé dans 52% des cas.

La sensibilité de la main est normale. On retrouve une faiblesse motrice des muscles innervés par la branche profonde du nerf ulnaire.

La compression nerveuse peut se produire au niveau de la partie distale du canal de Guyon, près du crochet de l’hamate entre les origines des muscles abducteur digiti quinti et fléchisseur digiti quinti ou lors du passage à travers la substance du muscle digiti quinti adverse.

► Type 3: déficit sensoriel isolé dans 18% des cas.

Il s’agit d’un déficit sensoriel de la face palmaire de l’éminence hypothénar et du 4e et 5e doigt. Aucune faiblesse ou atrophie musculaire n’est associée.

La lésion de compression est dans ou juste à la fin de l’espace de Guyon.

 

Wu J.S et Morris J ont décrit en 1985 une autre classification :

► Type I: Déficit mixte moteur et sensoriel

► Type II: déficit sensoriel pur

► Type III: déficit moteur pur.

La lésion de la branche profonde est juste distale de la branche superficielle mais proximale de la branche allant aux hypothénars.

► Type IV: Neuropathie ulnaire motrice pure avec atteinte des hypothénariens.

La lésion se produit sur la branche profonde distale à l’origine de la branche superficielle et distale de la branche allant aux hypothénars.

Cliniquement, la sensibilité est normale. Il existe une faiblesse de tous les muscles innervés par le nerf ulnaire à l’exception des hypothénars.

► Type V: déficit moteur distal

Cette lésion survient juste en amont des branches allant vers la 1ère DI et APL.

 

Le diagnostic clinique pur est donc difficile. +++

Premièrement, éliminer une compression chronique au coude, un allongement du plexus brachial inférieur, une radiculopathie C8 ou une myélopathie cervicale.

Il n’existe pas de parallélisme strict entre le type de déficit et l’emplacement exact de la compression malgré l’aide des classifications décrites.

Un déficit moteur et sensoriel est normalement dû à une compression en Zone I. Mais le gros volume d’un kyste ganglionnaire dans la zone I peut conduire à une compression du nerf ulnaire avec des signes sensoriels ou moteurs purs, en fonction des variations anatomiques individuelles ou d’une modification de la distribution fasciculaire.

Quels sont les examens complémentaires nécessaires ?


► L’E.M.G est l’examen clé. Il doit comme toujours être bilatéral et comparatif. Il retrouve un ralentissement des vitesses de conduction nerveuses sentives et/ou motrices. Il faut aussi tenir compte de l’amplitude des réponses motrices ou sensitives qui indiquent un bloc de conduction et/ou des lésions axonales même en l’absence de ralentissement des vitesses de conduction. L’EMG permet de confirmer la nature distale de la compression du nerf et/ou d’élilminer un double crush syndrome ou bien une neuropathie dégénérative associée ou isolée.

L’imagerie est utile (Rx standards, Échographie, tomodensitométrie, IRM)

La radiographie simple du poignet recherche une arthropathie piso-pyramidale, les séquelels d’une fracture du poignet oubliée,  des calcifications locales etc…

Le scanner permet de mieux qualifier une arthropathie radio-carpienne ou intra-carpienne.

L’échographie est utile pour rechercher un kyste arthro-synovial ou une autre tumléfaction liquidienne. Le doppler montrera l’existence d’un anévrisme thrombosé.

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L’IRM recherche plutôt une tumeur solide.

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Quelles sont les possibilités de traitement ?


Le traitement conservateur peut être indiqué dans une forme mineure en première intention. Il associe le repos par l’utilisation d’une attelle, voire une injection de steroides sous controle échographique.

 

Lorsque le déficit est évident ou bien en l’absence d’amélioration d’une symptomatologie débutante, une intervention chirurgicale est justifiée.

L’incision palmaire curviligne de 6 / 7cm parallèle au côté ulnaire, coupe en deux l’intervalle entre le pisiforme et l’hamate et traverse obliquement les plis transversaux du poignet.

La dissection est réalisée d’une direction proximale à distale. Le tendon du fléchisseur ulnaire du carpe est rétracté en ulnaire. L’artère est située au bord palmaire et radiale par rapport au nerf. Le carpivolaris, le petit palmaire et la graisse hypothénar sont incisés longitudinalement.

La libération sur tout le trajet du nerf avec une section systématique du ligament piso-unciforme et de l’arcade fibreuse des hypothénars est obligatoire au risque de laisser persister une compression sur le trajet de la branche motrice profonde du nerf. La branche motrice est suivie dans l’intervalle entre les muscles abducteur digiti minimi et flexor digiti minimi.

Le plancher du canal est exploré, en examinant l’intervalle entre les ligaments pisohamate et pisométacarpien. Les masses anormales telles que les ganglions, les bandes fibreuses anormales, les muscles… sont excisées à la demande.

L’endo-neurolyse n’est indiquée qu’en cas de lésion intraneurale.  

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L’ouverture du canal carpien en dehors de signes cliniques corrélés n’est pas justifiée.

Quel est le pronostic du nerf ulnaire au poignet ou Syndrome du canal de Guyon?


Un diagnostic précoce (E.M.G, IRM) permet la récupération rapide et complète. Mais ce délai de récupération variable:

► La récupération sensorielle semble plus rapide (4 mois) que la récupération motrice (6 mois).

► La récupération d’un déficit isolé semble plus rapide (5 mois) qu’une récupération d’un déficit moteur et sensoriel (7 mois).

Références


  • Benassy J, Castaing J. In : Syndrome de compression du nerf ulnaire canal de Guyon. Paris : Sem. Hop ; 1955. P. 689-90.
  • Gross MS, Gelberman RH. The anatomy of the distal ulnar tunnel. Clin Orthop 1985; 196:238-47.
  • Guyon F. Note sur une disposition anatomique propre à la face antérieure de la région du poignet et non encore décrite. Bull Soc Anat Paris 1861 ; 6 :184-6.
  • Kônig PSA, Hage JJ, Bloem JJAM. Prosé LP. Variations of the ulnar nerve and ulnar artery in Guyon’s canal: a cadaveric study. J Hand Surg 1994; 19A.617-22.
  • Leclercq C. Compression du nerf ulnaire au niveau du poignet et de la main. In : Tubiana R, editor. Traité de chirurgie de la main Tome 4. Paris Masson ; 1991. P. 558-63.
  • Shea JU, Me Lain EJ. Ulnar-nerve compression syndromes at and wrist. J Bone Joint Surg 1969,51 A : 1103-905.
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L’auteur : Docteur Patrick HOUVET

Le Docteur Patrick Houvet, chirurgien orthopédiste à Paris et en Île-de-France, est spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, ainsi qu’en chirurgie des nerfs périphériques.