Sélectionner une page

Paralysie du grand dentelé (lésion du Nerf Long Thoracique ou Charles Bell)

Accueil » Pathologies des nerfs périphériques par région » Nerfs épaule » Paralysies épaule » Paralysie du grand dentelé (lésion du Nerf Long Thoracique ou Charles Bell)

Le muscle du grand dentelé ou serratus antérieur est innervé par nerf du grand dentelé encore appelé nerf respiratoire externe de Charles Bell ou nerf thoracique long. C’est un nerf moteur pur. Le nerf du grand dentelé naît des branches antérieures des racines C5 C6 et C7 dans plus de 2/3 des cas. Les branches de C5 et C6 passent à travers le muscle scalène moyen puis s’anastomosent à la branche de C7 qui possède un trajet entre le scalène moyen et le scalène antérieur. Cette fusion s’effectue en arrière du paquet vasculo-nerveux axillaire en regard du premier ou deuxième espace intercostal. Le tronc du nerf descend alors obliquement en arrière du plexus brachial à la partie antérolatérale du thorax au contact des premières digitations du muscle auquel il donnera des branches étagées. Le tronc du nerf se termine en donnant ses dernières branches aux dernières digitations du muscle grand dentelé

Ce muscle a un rôle fondamental dans la dynamique d’abduction et d’élévation de l’épaule. Ainsi il stabilise la scapula sur la cage thoracique lors de l’élévation en association avec le trapèze il entraîne un mouvement de sonnette vers le haut de la scapula et donc une bascule de la cavité glénoïde vers le haut permettant alors l’abduction et l’élévation de l’épaule au-delà de 90°.

Décrit par Charles Bell en, 1827, sous le nom de nerf respiratoire externe, c’est Velpeau en 1837 qui rapporta l’atteinte paralytique. Il s’agit d’une lésion assez rare. La plupart des lésions nerveuses guérissent spontanément.

paralysie grand dentele paralysie du grand dentele chirurgien epaule paris chirurgien nerfs paris maladie atteintes nerfs peripheriques dr houvet

Qu’est-ce qu’une paralysie du grand dentelé ?


Les causes de lésion du tronc nerveux sont multiples. L’anatomie de ce nerf sa longueur sa position superficielle et ses rapports peuvent expliquer l’atteinte traumatique qui est l’étiologie la plus fréquemment retrouvée. La majeure partie des lésions fait suite à un mécanisme de traction sur le nerf avec une épaule et une tête maintenue en arrière.

  • À côté des atteintes iatrogènes rares, (comme une souffrance positionnelle lors d’une anesthésie prolongée, notamment lorsque le bras est placé sur le thorax), l’étiologie traumatique est la plus fréquente et relève d’un mécanisme d’étirement du nerf au niveau de zones de fixité : partie inférieure de la scapula en regard des dernières branches du nerf et en regard des deux premières. Ces lésions d’étirement peuvent se faire sur un mode aigu ou chronique. Elles sont la conséquence d’une surcharge du membre supérieur : taille de haies ou de buissons, déménagement. Le port de charges lourdes dans le cadre du travail ou des loisirs (sac à dos, havresac chez les militaires, boucher, travailleurs du bâtiment etc…). Le sport pratiqué de façon anormalement intensive comme la natation, l’haltérophilie, le basket, le base-ball, la boxe peut entrainer cette paralysie.
  • À côté de ces étiologies traumatiques d’autres étiologies sont beaucoup plus rarement retrouvées : cause infectieuse toxique allergique.
  • D’autres étiologies médicales existent mais elles n’atteignent pas spécifiquement le nerf du grand dentelé mais plutôt la fonction musculaire globale de l’épaule. Nous citerons par exemple la dystrophie musculaire fascio-scapulo-humérale ou le syndrome inflammatoire de Parsonage et Turner.
  • Un syndrome canalaire par compression a été evoqué mais sans preuve (côte surnuméraire, scalène volumineux, fixation par l’artère principale du serratius antérieur etc…)
  • Enfin parfois aucune cause n’est retrouvée : paralysie a frigore du grand dentelé.

Quels sont les signes cliniques de cette paralysie de l’épaule ?


L’examen clinique commun devant une paralysie de l’épaule doit comporter un interrogatoire minutieux : profession, activités de loisirs, sports, latéralités. Les circonstances de survenue sont essentielles au diagnostic et au traitement : accident de la voie publique ou du travail dans les suites d’une intervention chirurgicale apparition spontanée progressive ou brutale de façon douloureuse ou indolore avec ou sans signes généraux d’accompagnement.

L’examen neurologique étudiera la motricité muscle par muscle depuis l’angulaire le rhomboïde le grand dentelé le trapèze et ses différents chefs le sterno-cléido-mastoïdien le grand pectoral le deltoïde le grand dorsal le grand rond le sous-scapulaire les sus- et sous-épineux le petit rond. On étudiera aussi la sensibilité du moignon de l’épaule ainsi que bien entendu l’ensemble du membre supérieur. On cotera les mobilités articulaires. On regarde le déplacement de l’omoplate actif et passif comparativement à l’autre côté.

Existe-t-il une scapula alata ou une déformation visible une disparition du relief du trapèze ?


La gêne fonctionnelle est variable selon l’importance de l’atteinte du grand dentelé et selon le respect ou non des muscles adjacents. Elle entraîne une difficulté à l’abduction. Dans les formes modérées il s’agit d’une seansation de bras lourd lors de la flexion antérieure du bras. Dans les formes plus sévères, l’élévation du bras au-dessus de 90° est impossible en position debout souvent conservée en position allongée. La paralysie totale du muscle du grand dentelé consécutive à l’atteinte du nerf long thoracique entraîne une impossibilité d’élévation et d’abduction de l’épaule au-dessus de 90° et un décollement du bord médial et de la pointe de la scapula : scapula alata ou winging scapula des Anglo-Saxons bien que ce dernier terme ne soit pas spécifique de la paralysie du grand dentelé et puisse parfois prêter à confusion. Il s’agit d’un aspect très particulier avec saillie postérieure de l’omoplate donnant cet aspect « en aile d’ange » très caractéristique.

On rencontre cette paralysie soit dans le cadre de la paralysie du grand dentelé a frigore et elle est alors isolée, soit dans le cadre de la myopathie atrophique progressive de Landouzy et Déjerine ou « fascioscapulo-humeral dystrophy » des Anglo-Saxons. La gêne esthétique est manifeste et très mal supportée surtout par les femmes.

Elle peut s’accompagner de douleurs importantes en particulier dans la névralgie amyotrophique ou syndrome de Parsonage et Turner. Dans les autres étiologies la douleur est variable parfois même nulle. Progressivement la douleur s’atténue en quelques jours laissant place à la difficulté à soulever le bras à l’horizontale.

L’examen vise à tester le grand dentelé. Ce que l’on fait en demandant au sujet de pousser sur un mur en antépulsion de 90°. L’omoplate se décolle de façon évidente. Il en est de même lorsqu’il élève le bras en abduction.

Quels sont les examens complémentaires nécessaires ?


Cet examen clinique sera généralement complété par des examens complémentaires : EMG ou électromyogramme réalisé par un électrologiste entraîné à l’étude des paralysies périphériques et qui saura bien comment repérer les digitations costales du grand dentelé.

L’IRM qui n’est pas nécessaire montre une amyotrophie du muscle grand dentelé

Quelles sont les possibilités de traitement ?


Le traitement initial doit être essentiellement une surveillance médicale associant rééducation suivi clinique et électromyographique. Le traitement fonctionnel consiste à réaliser des exercices d’élévation du bras en position couchée (pour stabiliser la scapula). Nous n’utilisons pas les orthèses thoraco-lombaires parfois conseillées.

En l’absence de récupération à 6 mois, plusieurs types de traitement chirurgical ont été proposés :

  • Certains auteurs ont proposé une neurolyse du nerf long thoracique, en l’absence de signe en faveur d’un Parsonage et Turner et après 6 mois d’évolution avec un EMG pathologique. Le patient est installé en décubitus dorsal et l’incision est longitudinale le long du bord antérieur du latissimus dorsii, centrée sur la 5e côte ou sur la zone du signe irritatif. L’endroit où l’artere thoracodorsale prend contact avec le muscle et pénétre dans le fascia permet de trouver le nerf. Une anomalie vasculaire locale est recherchée et traitée.
  • La neurotisation directe par les nerfs intercostauxa été décrite. Elle a l’avantage d’offrir un court trajet avec l’effecteur et donc un résultat rapide. Peu de séries ont été jusqu’ à aujourd’hui publiées.

Si la paralysie ne régresse pas après le 9e mois on sait statistiquement qu’il est peu probable que la guérison survienne spontanément. A cette date aucun geste direct sur le nerf n’est possible et il faut envisager un traitement palliatif. L’indication de stabilisation statique de la scapula est posée s’il existe une amélioration de la fonction et de la mobilité de l’épaule en abduction ou antépulsion lorsque l’on stabilise manuellement la scapula contre le thorax (manoeuvre d’Horwitz).

Plusieurs types de traitement chirurgical ont été proposés :

La plupart des séries publiées concerne deux grands types de traitement :

  • La stabilisation statique de la scapula :
    • arthrodese scapulo-thoracique proposée par Bunch puis Copeland et Howard.
      Le patient est installé en décubitus ventral le membre supérieur concerné libre pouvant être placé le long du corps ou en abduction maximale. Le champ opératoire comprend tout le membre supérieur, la région scapulaire et para scapulaire jusqu’à la ligne des épineuses, ainsi que la crête iliaque postérieure. L’incision cutanée est faite le long du bord médial de la scapula. Le trapèze était désinséré ainsi que les rhomboïdes permettant de libérer le bord médial de la scapula. La position de la scapula lors de l’arthrodèse est celle obtenue en portant le bras en abduction à 120°. Les côtes à fixer (le plus souvent les 4e 5e 6e et 7e côtes) sont préparées pour permettre leur cerclage avec la scapula au fils Mersuture n° 2. Avant serrage des greffons cortico-spongieux et spongieux pris aux dépens de la crête iliaque postérieure sont interposés entre les côtes et la scapula dont l’os a été avivé. Les rhomboïdes et le trapèze sont réinsérés à l’aide de points trans-osseux et l’incision refermée. Le patient est ensuite installé dans un appareillage en résine confectionné en pré opératoire, maintenant le coude au corps à 90° et en rotation neutre de l’épaule. Le coude est libéré à 15 jours et cette immobilisation est à garder pendant trois mois.

 

  • La stabilisation dynamique par transfert musculaire : 
    • Plusieurs types de transferts ont été décrits : transfert du rhomboïde (Herzmark), de l’angulaire et du petit pectoral (Chaves & Maquet, Rapp).
      Le transfert le plus réalisé est le transfert du muscle grand pectoral de sa partie inférieure (Perlmutter et Leffert) ou uniquement de sa portion sternale (Connor Warner). Ce transfert peut être associé à une greffe qui va permettre d’allonger le transfert. Il peut s’agir d’une greffe de fascia lata tubulisé ou une greffe tendineuse à partir du demi tendineux et du droit interne.
    • Nous préferons utiliser une technique directe décrite par Hassan Elhassan. Le patient est installé en décitus latéral. Par une voie d’abord delto-pectorale courte on préleve l’ensemble du tendon terminal du grand pectoral. Le faisceau sternal est levé sur une baguette osseuse et on reinsère le faisceau claviculaire sur le site de prélevement. Ce transplant ostéo-tendineux est passé dans le creux axillaire. Une voie d’abord latérale permet d’aborder l’omoplate et de le fixer en trans-osseux sur la partie antérieure de la scapula préalablement réduite. L’épaule est immobilisée coude au corps 45 jours.

Quel est le pronostic ?


Tous nos patients atteints d’une paralysie isolée du nerf du grand dentelé sont traités initialement par rééducation (exceptées les atteintes iatrogènes où la section du nerf est certaine ; dans ce cas les patients sont opérés rapidement). En fonction des résultats un traitement chirurgical leur sera ou non proposé.

  • L’évolution naturelle se fait vers la récupération entre 6 et 12 mois. Mais cette récupération est variable.
  • On constate dans la revue de la littérature environ 30 % de mauvais résultats pour le traitement non chirurgical.
  • Compte tenu de l’ensemble de ces possibilités thérapeutiques une paralysie de l’épaule ne doit plus entraîner d’immobilité importante si elle a été correctement prise en charge

Les principaux avantages des transferts résident dans le maintien d’une bonne mobilité de l’épaule avec un résultat fonctionnel satisfaisant et une immobilisation postopératoire plus courte. Le principal inconvénient semble être la perte de la force musculaire : chez les travailleurs lourds et chez les sportifs le transfert est trop sollicité et pour ces auteurs ne semble pas être une bonne indication. Pour ces mêmes auteurs l’échec d’un transfert doit conduire à réaliser une arthrodèse scapulothoracique.

Références


  • Atasoy E, Majd M. Scapulothoracic stabilisation for winging of the scapula using strips of autogenous fascia lata. J Bone Joint Surg Br 2000;82:813-7.
  • Elhassan BT, Wagner ER. Outcome of transfer of the sternal head of the pectoralis major with its bone insertion to the scapula to manage scapular winging. J Shoulder Elbow Surg; 2014 14: 1-8
  • Howard R. Thoraco-scapular arthrodesis. J Bone Joint Surg Br 1961; 43:175.
  • Iceton J, Harris WR. Treatment of winged scapula by pectoralis major transfer. J Bone Joint Surg Br 1987;69:108-10.
  • Tauber M, Moursy M, Koller H, Schwartz M, Resch H. Direct pectoralis major muscle transfer for dynamic stabilization of scapular winging. J Shoulder Elbow Surg 2008;17:29S-34S.
dr patrick houvet chirurgien du membre superieur et des nerfs peripheriques a paris 16

L’auteur : Docteur Patrick HOUVET

Le Docteur Patrick Houvet, chirurgien orthopédiste à Paris et en Île-de-France, est spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, ainsi qu’en chirurgie des nerfs périphériques.