Paralysie traumatique du nerf radial au bras
Les atteintes hautes et isolées du nerf radial peuvent survenir dans 3 circonstances variables dominée par les causes traumatiques. 1/3 sont dues à une fracture de la diaphyse humérale,1/3 à un traumatisme balistique.
Le 2e groupe est représenté par les compressions extrinsèques du nerf radial. Il s’agit le plus souvent d’une atteinte posturale prolongée (comas, paralysie des amoureux, compression par le garrot) ou bien par une lésion tumorale intramusculaire plus rarement.
Le 3e groupe comprend les atteintes dites « spontanées » dont la cause anatomique locale a été décrite par Lotem en 1971.
Sommaire – Accès rapide
Qu’est-ce que la paralysie du nerf radial après un traumatisme du bras ?
Le nerf radial (radialis) fait suite, après le départ du nerf axillaire, au tronc secondaire postérieur. Ses fibres sont issues des cinquième, sixième, septième et huitième racines cervicales. Il constitue la branche la plus volumineuse du plexus brachial. Il traverse verticalement la cavité axillaire à sa partie inférieure. Arrivé au bras, il se dirige en bas, en arrière et en dehors et s’engage dans la fente humérotricipitale située au-dessous du tendon du muscle grand rond (M. teres major) et du muscle grand dorsal (M. latissimus dorsi), dans un canal ostéomusculaire compris entre la gouttière radiale de l’humérus en avant, la longue portion du muscle triceps brachial (M. triceps brachii) et le vaste latéral en arrière, les insertions du vaste latéral en haut et celles du vaste médial en bas. Le nerf va s’enrouler en spirale dans le bras autour de la diaphyse humérale de dedans en dehors. Dans ce canal, le nerf est appliqué contre la gouttière et accompagné par l’artère humérale profonde, qui chemine au-dessus et en dehors de lui. Le nerf sort de la gouttière radiale et descend dans le fond de la coulisse bicipitale latérale. Au niveau de l’interligne articulaire de l’articulation huméroradiale, il se divise en ses deux branches terminales.
Le tronc du nerf donne en haut, un peu au-dessus de la base de l’aisselle, des branches collatérales pour la longue portion du M. triceps brachial et pour la partie médiale du vaste médial. À son origine vers l’extrémité supérieure de la gouttière radiale, il donne une branche pour la partie supérieure du vaste médial et l’anconé (M. anconeus). Le nerf du vaste latéral naît, lui aussi, à la partie supérieure de la gouttière. Les nerfs du BR et de l’ECRL naissent successivement à la partie supérieure de la gouttière bicipitale latérale.
La branche postérieure profonde, abusivement appelée motrice, est en fait un nerf mixte, car son rameau terminal, appelé nerf interosseux postérieur, (NIOP) se ramifie par des fibres sensitives sur la face dorsale des articulations du poignet et des os du carpe. Cette branche innerve le court extenseur radial du carpe (extensor carpi radialis brevis ou ECRB) et le supinateur (supinator), qu’il traverse. La branche profonde innerve également les muscles du plan superficiel de la région antébrachiale postérieure : l’extenseur commun des doigts (extensor digitorum communis ou EDC), l’extenseur propre du cinquième doigt (extensor digiti minimi ou EDM) et l’extenseur ulnaire du carpe (extensor carpi ulnaris ou ECU). Elle donne des rameaux pour les muscles du plan antérieur : long abducteur du pouce (abductor pollicis longus ou APL), les court et long extenseur du pouce (extensor pollicis brevis ou EPB et longus ou EPL) et l’extenseur propre de l’index (exten- sor indicis proprius ou EIP).
La branche terminale antérieure, superficielle ou sensitive, donne l’innervation sensitive, par trois rameaux distincts, des faces dorsales du pouce, de la première commissure et de la première phalange de l’index et de la moitié radiale de la première phalange du troisième doigt.
Le nerf radial traverse le septum intermusculaire latéral à une distance moyenne de 16 cm de l’extrémité distale de l’os. Mais, compte tenu de l’importante variation individuelle de la mesure de ce niveau (de 9 à 21 cm), il est préférable de retenir en pratique l’existence d’une zone dangereuse constante entre 10 à 15 cm, à partir de l’épicondyle latéral. Le repère de quatre travers de doigt est utile.
Trois situations cliniques peuvent être schématiquement décrites :
- lésion du nerf radial au cours d’une fracture de la diaphyse humérale
- plaie ou contusion des parties molles avec atteinte du tronc du nerf radial
- lésion du nerf radial dans le cadre d’un traumatisme complexe du membre supérieur associant des lésions pluri-nerveuses, des lésions ostéo-articulaires et/ou vasculaires.
- Lésion iatrogéne au cours de l’ostéosynthèse d’une fracture de l’humérus.
Quels sont les signes cliniques d’une lésion du nerf radial au bras ?
L’aspect clinique est variable selon le siège de la lésion traumatique.
La paralysie est habituellement complète ne respectant que le triceps brachial avec une atteinte du brachioradialis (BR), des extensor carpi radialis brevis et longus, de l’extensor digitorum communis, des extensor indicis proprius, digiti minimi, pollicis brevis et longus, et de l’abductor pollicis longus.
Cliniquement, Il existe un déficit d’extension complet du poignet, des doigts longs, du pouce, et de la supination en partie.
Il existe un déficit de sensibilité au niveau de la partie postérieure de l’avant-bras et/ou du bras d’importance variable mais le plus souvent la sensibilité est absente dans le triangle de la première commissure.
Plusieurs circonstances peuvent être décrites :
- Lésion du nerf radial au cours d’une plaie (ou contusion) des parties molles :
- La réparation nerveuse ne se discute pas devant une plaie de la face latérale du bras, dont l’exploration chirurgicale doit être systématique.
- Dans les cas de contusions plus ou moins appuyées, le problème peut être un peu différent, car la récupération peut survenir en fonction du type du traumatisme.
- Paralysie radiale et fracture humérale :
L’atteinte du nerf radial s’observe dans 2 à 17 % des fractures de la diaphyse humérale dans les différentes séries de la littérature.
- Le siège de la fracture est important à considérer, et il se situe au tiers moyen dans la majorité des séries. On retrouve cependant une fréquence relative pour les fractures du tiers supérieur et les fractures du tiers inférieur. Pour certains, le trait de fracture spiroïde est le plus pathogène et représente 25 à 45 % des cas. Cette association peut s’expliquer par l’absence d’interposition musculaire entre l’os et le nerf à ce niveau de l’humérus, ce qui rend ce dernier très vulnérable à ce type de fracture. Par ailleurs, le nerf à cet endroit est très peu mobile et plus sensible à l’étirement. Le risque est alors accru de lacération ou de rupture du nerf radial par une esquille osseuse.
- Le déplacement de la fracture est un deuxième élément important dans la décision thérapeutique, ainsi que l’ouverture cutanée, qui témoigne de la violence du traumatisme avec une fréquence de paralysie radiale qui peut être évaluée à 20 % des cas. Holstein a démontré que la rupture nerveuse se faisait sur l’arête du fragment distal déplacé en dehors, en avant et en haut, précédée d’une phase d’allongement du nerf, ce qui aboutit à un excès relatif de longueur, permettant, si l’on voit la lésion en urgence, de faire une recoupe des extrémités et une suture sans tension. Dans d’autres cas, c’est la cloison intermusculaire latérale qui peut agir comme couperet lors du passage du nerf à travers elle. La rupture se fait en règle au niveau de la gouttière bicipitale latérale, et plus rarement dans la gouttière de torsion, ou tout au moins proximalement à l’entrée du nerf dans la gouttière bicipitale.
- Paralysie radiale après intervention chirurgicale pour fracture humérale
Si le nerf a été repéré et protégé au cours de l’intervention, l’évolution doit être spontanément favorable. L’ostéosynthèse par plaque vissée est incriminée dans de nombreuses statistiques : 6,5 % de paralysie radiale compliquant une ostéosynthèse par plaque de l’humérus contre 2 % pour les autres méthodes chirurgicales. Les techniques d’ostéosynthèse centromédullaire à foyer fermé nécessitent, dans les fractures déplacées, une réduction préalable, et les «fausses-routes», notamment pour les broches, sont à incriminer dans la genèse de la lésion du nerf radial. Il nous paraît logique, si une telle complication survient après un embrochage fasciculé, d’explorer rapidement le nerf radial.
Si l’état anatomique du nerf n’est pas connu, soit parce que le nerf n’a pas été exploré, soit que le compte rendu opératoire est incomplet, même si le taux de rupture est théoriquement très faible, un abord précoce est là encore conseillé, et ce d’autant qu’une faute technique est suspectée. Dans tous les cas, en l’absence de signe de récupération, l’exploration sera effectuée à la fin du deuxième mois.
- Paralysie radiale et ablation du matériel
Le patient doit être informé dans tous les cas de l’éventualité d’une paralysie radiale post-opératoire, d’autant plus s’il existait une paralysie radiale au décours de la chirurgie initiale. Il est d’obligation médico-légale de noter sur le compte rendu opératoire initial la position du nerf par rapport au matériel pour faciliter l’approche chirurgicale ultérieure qui se fait bien sûr dans une région déjà traversée.
- Paralysie radiale et pseudarthrose de l’humérus :
L’association paralysie radiale et pseudarthrose de l’humérus nécessite un traitement particulier.
- Lésions du nerf radial au cours d’un traumatisme complexe du bras :
Il s’agit d’une éventualité relativement rare. Il s’agit de blessés présentant des lésions osseuses et/ou des parties molles, vasculaires et nerveuses, confinant à l’amputation subtotale dans
Quels sont les examens complémentaires nécessaires ?
- Les radiographies du site fracturaire font suspecter l’existence d’une lésion nerveuse associée.
- Dans le cas d’une fracture ouverte tout autre examen complémentaire n’apporte pas de renseignements majeurs.
- Dans le cas d’une fracture fermée de la diaphyse humérale, ne nécessitant pas un traitement d’ostéosynthèse, l’examen électromyographique (EMG) doit être réalisé ans les jours qui suivent l’installation de la paralysie. L’examen va retrouver un syndrome neurogène périphérique (absence d’activité volontaire et de potentiel de repos) touchant le nerf radial à la partie distale de la gouttière humérale avec des signes de dénervation dans le territoire d’aval. Il sera renouvelé au bout de 3 semaines.
- Une échographie centrée sur le bord latéral du bras peut être proposée pour apprécier le trajet du nerf radial. Elle permettrait de rechercher la compression, un œdème régional ou un hématome intramusculaire, et de rechercher une éventuelle striction sur le nerf. Elle doit être renouvelée au bout de quelques jours et comparée.
- L’IRM recherche les mêmes lésions. Les coupes doivent être jointives et millimétriques pour éviter de passer à côté d’une lésion de striction.
Quelles sont les possibilités de traitement ?
Dans le cas d’une fracture ouverte ou bien d’une fracture fermée nécessitant une ostéosynthèse, que la paralysie soit diagnostiquée lors de l’examen clinique initial ou bien que per-opératoire on constate de visu une lésion du nerf radial, une réparation s’impose.
- Si la lésion est de petite longueur alors une suture directe sera possible. La suture nerveuse répond aux règles habituelles, c’est-à-dire une suture épipérineurale sous microscope avec collage biologique périphérique.
- Si la lésion est étendue sur une grande longueur ou bien si le nerf est vidé de son contenu, il sera nécessaire de réaliser une greffe. Cette greffe sera à orientation fasciculaire en câble avec un problème spécifique en rapport avec le siège de la lésion. Dans un grand nombre de cas, la lésion au bras est distale et la greffe peut être faite dans la gouttière bicipitale latérale. Dans d’autres cas, la préparation du bout proximal nécessite une recoupe qui se trouve en arrière de l’humérus, et, dans ces cas, il faut alors faire un abord médial et proximal pour retrouver le tronc du nerf radial, le disséquer pour séparer la branche destinée au muscle vaste médial et faire passer les greffons en avant entre brachial antérieur et biceps brachial.
- Les interventions palliatives font partie intégrante du plan thérapeutique et doivent être discutées si la longueur de la greffe est supérieure à 15 cm, et ce d’autant que le lit est trophiquement défavorable ou bien si la lésion est ancienne (recolonisation estimée des effecteurs supérieure à 18 mois), et enfin si le sujet est très âgé avec une capacité de régénération nerveuse tres diminuée. Notre triple transfert associe :
- Transfert du tendon du rond pronateur sur le tendon de l’ECRB. Le prélevement s’effectue par une voie curviligne externe au 1/3 moyen de l’avant-bras, entre le brachioradialis et l’ECRL. Le prélevement du RP s’effectue au ras de l’os en le prolongeant par lame périostée pour obtenir plus de longueur. La tension du transfert permet au poignet de se maintenir en légère extension contre pesanteur
- Transfert du tendon du fléchisseur ulnaire du carpe (FCU) en circum cubital sur le tendon des extenseurs communs des doigts (EDC). Une longue voie d’abord permet de liberer le corps musculaire des attaches aponévrotiques pour lui donner un trajet plus direct. Le tendon sectionné au pli de flexion distal du poignet est tunnelisé en sous-cutané à la face dorsale du poignet, puis le tendon divisé en deux bandelettes distinctes est faufilé obliquement dans chaque tendon extenseur des doigts. L’harmonie de la « cascade digitale descendante » doit être respectée pour éviter une hyeprextension du 5e doigt par exemple. La deuxième bandelette est suturée à l’aplomb en corrigeant eventuellement les défauts de tension.
- Transfert du tendon du long palmaire sur le tendon LEP du pouce. Comme Tubiana, nous sectionnons le LEP à la jonction tendino-musculaire, puis ce tendon passe dans la coulisse du ECRL avant de l’anastomoser au Palmaris Longus.
L’immobilisation post-opératoire place le poignet en extension à 50°, la colonne du pouce en extension et rétropulsion et les MCP fdes doigts a 10° de flexion, les articulations IPP restant libres pour une durée de 3 semaines en port permanent puis encore 3 semaines en port nocturne. La réeducation est débutée à la fin de la 3e semaine
- Les lésion complexes font l’objet d’un traitement très spécifique. Après un parage strict, l’accourcissement osseux avant ostéosynthèse, permet en un temps, la réparation vasculaire directe, la suture musculaire et la réparation nerveuse, si possible par suture en urgence ou secondairement par greffe.
- Dans le cas d’une pseudarthrose de la diaphyse humérale, nous recommandons de traiter dans un premier temps opératoire la pseudarthrose, le plus souvent par plaque vissée et greffon spongieux. La greffe nerveuse est ensuite réalisée à distance, dès la disparition des phénomènes inflammatoires et après consolidation osseuse, en pratique à partir du troisième mois après la cure de pseudarthrose. L’intérêt de prendre en charge ces lésions en deux temps distincts est aussi de ne faire la greffe nerveuse qu’après avoir éloigné tout risque de sepsis osseux postopératoire.
Quel est le pronostic ?
Lorsque la paralysie est concomittante d’une fracture de la diaphyse humérale, le taux de récupération spontanée secondaire à des lésions de degré I ou II de Sunderland, est élevé, compris entre 76 et 89 %. Cette récupération spontanée est cependant longue. Par ailleurs, le problème est de savoir si, en appréciant un certain nombre d’éléments, il est nécessaire d’envi- sager une exploration précoce du nerf, et dans quelles conditions.
Lorsque le nerf a pu bénéficié d’une suture directe la récupération se fait classiquement à la vitesse de 1mm par jour et elle va donc nécessiter plusieurs mois. La récupération est suivie à la fois cliniquement par le signe de Tinel et électriquement par des EMG successifs. Elle n’est pas toujours complète et elle peut être différée. Si cette récupératuon est incomplète il faudra alors associer un transfert tendineux « à la carte » pour rétablir la fonction déficitaire.
Lorsqu’une greffe nerveuse a été nécessaire pour rétablir la continuité nerveuse, la longueur de la greffe a une valeur pronostique. Une longueur inférieure à 10 cm ainsi qu’un nombre de torons supérieur à trois ou quatre, sont des éléments favorables. Dans la gouttière bicipitale latérale, la greffe peut être courte, souvent de moins de 10 cm. En avant, la greffe a une longueur minimale qui correspond au trajet entre le canal brachial, en haut et en dedans, et la gouttière bicipitale latérale, en bas et en dehors ; le plus souvent, elle fait au moins 10 cm.
Références
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- Midha R. Zager E. Surgery of peripheral nerves. Thieme ED. NY 2008
- Slutsky D. Upper extremity nerve repair: tips and techniques. ASSH Ed. 2008
- Slutsky D. Hentz V.R. Peripheral nerve surgery. Churchill Linvingston 2006
L’auteur : Docteur Patrick HOUVET
Le Docteur Patrick Houvet, chirurgien orthopédiste à Paris et en Île-de-France, est spécialiste en chirurgie orthopédique du membre supérieur, ainsi qu’en chirurgie des nerfs périphériques.